By Jove !
Ce n’est pas sans trembler que
l’amateur, fût-il un peu éclairé, ose s’attaquer à Blake et Mortimer. Telle n’était pas d’ailleurs mon intention
initiale, car j’avais au départ envisagé un article sur un autre grand
classique de ma jeunesse, Gil Jourdan,
de Maurice Tillieux. Hélas, trois fois hélas, un talentueux amateur m’avait
déjà bien devancé sur « Wikipédia » (je recommande d’ailleurs
l’article à tous les nostalgiques du fameux détective des Trente
Glorieuses) ! Après quelques hésitations, et une relecture complète des
albums (période jacobsienne et post-jacobsienne), je me suis donc jeté à l’eau.
Disons-le tout
net, ceux qui veulent tout savoir sur l’illustre créateur des deux Britanniques
les plus célèbres de la BD franco-belge risquent d’être déçus. Je leur
conseille pour cela deux sources ayant servi à mon travail : Un opéra de papier, autobiographie
d’Edgar Pierre Jacobs (paru chez Gallimard en 1981, réédité en mai 2013), et le monde d’Edgar Pierre Jacobs, de
Claude Le Gallo, édité par le Lombard en 1984. Ce dernier ouvrage comporte
notamment un dossier spécialement consacré à la cultissime Marque jaune, par Daniel Vankerckhove. On peut y ajouter divers
articles tirés d’internet, notamment sur Wikipédia, qui sont globalement bien
faits. Et enfin la formidable et émouvante BD biographique Edgar P. Jacobs, le rêveur d'apocalypses, réalisée par François Rivière (scénario) et Philippe Wurm (dessin), parue en 2022.
Mon intention
est ici de traiter de l’univers créé par Jacobs et approfondi par ses
continuateurs (Juillard, Sente, Van Hamme et les autres) dans sa globalité, et
d’y apporter, comme dans mes autres articles, mon jugement et ma sensibilité
personnelle. Il ne s’agit donc pas d’une Nième grand messe à la gloire de
Jacobs ou d’un délire de fan.
Comment je suis tombé dans la « Jacobs
dimension ».
Ce n’est pas par
Blake et Mortimer que je suis entré dans
le monde d’Edgar Pierre Jacobs, mais dans une autre œuvre moins connue du grand
public, le Rayon U, destiné au départ
à ma sœur aînée, et qui venait de paraître pour la première fois en album aux
éditions du Lombard.
D’emblée,
j’étais mordu : des monstres géants, des hommes-singes, des Indiens et des
combats aériens. Tout un univers d’aventures naïves et trépidantes s’offrait à
moi, bien avant que je ne découvre Le
Monde Perdu de Conan Doyle, dont Jacobs s’était visiblement inspiré.
Blake
et Mortimer déboulèrent dans mon existence peu
après, avec le 1er tome du Secret
de l’Espadon, qui tombait à pic pour régaler l’amateur d’histoires
guerrières que j’étais déjà. Les autres albums s’enchaînèrent, dans un relatif
désordre, pour compléter ma collection. Malgré les railleries de ma sœur, qui
considérait –avec pas mal de ses potes de la « bof génération »- que
cette BD était un monument de ringardise, je suis resté fidèle aux personnages
créés par Jacobs, malgré –ou à cause- des traits caractéristiques de cette
œuvre dont nous reparlerons plus loin. Jacobs mariait pour moi le merveilleux
et le réalisme, avec un parfum désuet de BD d’autrefois, où la violence et le
sexe n’avaient pas encore tout contaminé.
Quelques
points de repère.
Quiconque n’est
pas trop familier de la série Blake et
Mortimer risque d’avoir besoin des repères suivants.
La
« période jacobsienne », réalisée par le
« maître » lui-même (à une exception près), comporte au total huit
récits publiés par le journal Tintin,
avant de paraître en dix albums (les deux premiers récits ayant nécessité deux
tomes). Tous les albums ont été publiés initialement par les éditions du
Lombard, avant d’être repris par Dargaud, puis les Editions Blake et Mortimer.
-Le
Secret de l’Espadon, 1946. Deux tomes en albums : La poursuite fantastique (1950), SX1 contre-attaque (1953).
-Le
Mystère de la Grande Pyramide, 1950. Deux tomes en
albums : Le Papyrus de Manéthon (1954),
La Chambre d’Horus (1955).
-La
Marque Jaune, 1953. Parution en album : 1956
-L’énigme
de l’Atlantide, 1955. Parution en album : 1957.
-SOS
Météores, 1958. Parution en album : 1959.
-Le
piège diabolique, 1960. Parution en album : 1962.
-L’Affaire
du collier, 1965. Parution en album : 1967. Les
18 premières planches de cet album ont été crayonnées par Gerald Forton, avant
reprise par Jacobs.
-Les
3 formules du professeur Sato, 1971. Jacobs ne put
réaliser que le tome 1 (Mortimer à Tokyo),
paru en album en 1977.
EP Jacobs, de plus en plus malade, disparaît en
1987.
Dix albums en
quarante ans, notre auteur ne semble pas des plus productifs ! Mais nous
verrons plus loin que la grande rigueur de Jacobs, qui faisait tout lui-même ou
presque, ne lui permettait pas l’abattage d’un Tibet, d’un Will ou d’autres
champions de la Bd de l’époque.
La
période post-jacobsienne.
Il faut attendre 1990, pour que
la saga reprenne. Et encore ! Bob De Moor, vétéran de l’école belge, ne
s’attaque à Blake et Mortimer que
pour terminer l’œuvre interrompue, en utilisant les notes et carnets de Jacobs.
Il rend ainsi possible la conclusion que tous les fans attendaient aux 3 formules du Professeur Sato, avec la
sortie du tome 2, Mortimer contre
Mortimer aux Editions Blake et Mortimer. Ces éditions, fondées du vivant de
l’auteur en 1982 se sont spécialisées, comme leur nom l’indique, dans le
développement et l’exploitation des deux héros de Jacobs. Créées à l’origine
par un désaccord entre l’auteur et les éditions du Lombard, les éditions
« B et M » ont été finalement rachetées en 1992 par le groupe Médias
Participations, qui possède entre autres…Dargaud et le Lombard !
Les nouveaux
propriétaires ne vont pas manquer d’exploiter un filon juteux, d’autant que les
ayant-droit de Jacobs ne sont pas aussi casse-pieds que ceux d’Hergé. Ils font
donc appel à des auteurs chevronnés (dont le prolifique scénariste Jean Van
Hamme) qui devront relever le défi de faire revivre les deux Britanniques, en
dehors de toute consigne laissée par leur père.
Deux voies
s’offraient à ces continuateurs :
-Revisiter
largement l’œuvre fondatrice, à la façon dont furent poursuivies, par exemple
les aventures de Spirou et Fantasio après
la disparition de Franquin.
-Rester le plus
fidèle possible à l’œuvre de Jacobs, tant au niveau du style graphique (la
fameuse « ligne claire ») que de la construction scénaristique, tout
en s’efforçant d’enrichir l’ensemble par petites touches successives.
C’est cette
dernière option, à mon avis la meilleure, qui a été retenue, et prend forme
avec L’Affaire
Francis Blake, scénarisé par Van Hamme et dessiné par
Ted Benoît, publié en 1996.
L’histoire
s’éloigne sensiblement des thèmes fondamentaux de l’univers jacobsien (voir
plus loin), se limitant à une sombre histoire d’espionnage inspirée des Trente-neuf marches, film d’Alfred
Hitchcock de 1935, lui-même tiré du roman de John Buchan.
Un pari
audacieux, mais soigneusement préparé par un intense matraquage médiatique et
une publication en épisodes dans le magazine Télérama. Le succès de l’expérience permet de poursuivre l’aventure
quatre ans plus tard. Afin de garantir une production soutenue, les
« héritiers » de Jacobs vont travailler en parallèle, et sortir
successivement, de préférence à l’approche de Noël :
-La
Machination Voronov (Yves Sente, André Juillard), 2000
-L’étrange
rendez-vous (Van Hamme, Benoît), 2001.
-Les
Sarcophages du 6e continent (Sente, Juillard),
tome 1 : la menace universelle
(2003) et 2 : le duel des esprits (2004).
-Le
sanctuaire du Gondwana (Sente, Juillard), 2008
-La
malédiction des trente deniers (Van Hamme, René Sterne
et Chantal De Spiegeleer pour le tome 1 en 2009. Le décès de René Sterne
entraîne un passage de relais à Antoine Aubin pour les dessins du tome 2 paru
en 2010.)
-Le
Serment des cinq lords (Sente, Juillard), 2012.
-L’Onde
Septimus (Jean Dufaux, Aubin et Etienne Schréder), 2013.
-Le
bâton de Plutarque (Sente, Juillard), 2014.
-Le Testament de William Sheakespeare (Sente, Juillard), 2016.
-La Vallée des Immortels (Sente, Teun Berserik, Peter Van Dongen), tome 1 : Menace sur Hong Kong (2018), tome 2: Le Millième bras du Mékong (2019)
-Le Testament de William Sheakespeare (Sente, Juillard), 2016.
-La Vallée des Immortels (Sente, Teun Berserik, Peter Van Dongen), tome 1 : Menace sur Hong Kong (2018), tome 2: Le Millième bras du Mékong (2019)
-Le Cri du Moloch (Dufaux, Christian Cailleaux, Etienne Schréder), suite directe de L'Onde Septimus, en 2020.
-Le Dernier Espadon (Van Hamme, Berserik, Van Dongen), en 2021.
-Huit heures à Berlin (Bocquet, Fromental, Aubin), 2022.
Ce travail à la
chaîne, bien loin de l’œuvre « artisanale » de Jacobs, reflète les
impératifs commerciaux de la maison d’édition de nos héros, bien décidée à
exploiter à fond la marque « Blake et Mortimer ». Ainsi, le Secret de l’Espadon, puis le Mystère de la Grande Pyramide,
ont-ils été republiés en trois tomes au lieu de deux. Certains albums de la
série post-jacobsienne ont été également relancés sous une couverture
différente (la Machination Voronov),
ou carrément reformatés en mini-album unique là où il y avait deux tomes de 53
planches chacun (Les sarcophages du 6e
continent). Passons rapidement sur les innombrables produits dérivés (dessin
animé, mugs, figurines, pyjamas, jeux…), qui sont la rançon d’un succès par
ailleurs bien mérité, même s’ils donnent parfois à l’amateur l’impression
d’être pris pour un gogo.
L'exploitation du filon Jacobs s'est étendue en 2023 avec une suite au mythique "Rayon U", intitulée La Flèche Ardente, dessinée par Christian Cailleaux et scénarisée par Van Hamme. L'idée d'une suite avait aussi émergé du cerveau fébrile de l'auteur de ces lignes lorsqu'il avait une quinzaine d'années, sous forme d'un roman inachevé, dont l'histoire était bien différente de celle finalement parue en BD. Si cette dernière contient quelques clins d'oeil savoureux aux connaisseurs du monde de Jacobs, qu'il s'agisse du dinosaure attaquant Dagon, de son sous-marin de poche, ou de quelques éléments de décor tirés de divers albums de Blake et Mortimer, l'ensemble laisse une impression mitigée : ligne beaucoup trop claire par rapport à l'original, clichés politiquement corrects, et "happy end" à la limite du ridicule. Finalement, l'histoire que j'avais conçue à quinze ans était autrement plus ambitieuse !
Il convient cependant
de saluer la réussite que constituent les trois albums parodiques publiés par
Dargaud, sous un format identique aux vrais albums, réalisés par Pierre Veys et
Nicolas Barral, sous le titre des Aventures
de Philip et Francis :
1) Menaces sur l’Empire
(2005)
2) Le Piège machiavélique
(2011)
3) SOS Météo
(2014)
Non seulement
l’amateur éclairé se régale, mais le cinéphile, ou n’importe quel adepte de la
« pop culture », se délecte de tous les clins d’œil qui parsèment les
albums, de La fureur du Dragon à Orange Mécanique, en passant par la
série le Prisonnier…sans oublier un
hommage aux Pink Floyds !
Je suis nettement moins enthousiaste en ce qui concerne l'hommage rendu à Blake et Mortimer par François Schuiten, auteur de la série des Cités Obscures, dans un album sorti en 2019 sous le titre du Dernier Pharaon. Après l'avoir feuilleté en librairie, je me suis hâté de le remettre sur son présentoir, rebuté par le dessin et une "ambiance" totalement en rupture avec l'esprit jacobsien. Peut-être est-ce une erreur de ma part, mais tant pis !
Par contre, un grand coup de chapeau à Hubert et Laurent Védrine, pour leur remarquable "biographie" du Colonel Olrik parue chez Fayard en 2019. Un vrai boulot de fan et d'érudit.
Le cadre chronologique.
Celui de l’ère
jacobsienne suit à peu près le « présent » de l’auteur, soit une
période de 25 années, s’étirant de 1946 à 1971. Les continuateurs de Jacobs ont
fait le choix intéressant, mais difficile à mettre en œuvre, de rester dans
cette fourchette temporelle et de « boucher les trous » de la période
jacobsienne (pour l’instant dans la seule période allant des origines à 1958),
ne se permettant que quelques incursions dans le passé de Blake et Mortimer
afin de creuser les personnages et d’en révéler la jeunesse, notamment dans Les Sarcophages du 6e continent
ou Le Serment des cinq lords. Le
dernier opus, Le bâton de Plutarque,
est quant à lui un véritable « prequel », dont l’action se situe
entre 1944 et 1946, et annonce le début du Secret
de l’Espadon, tout en nous permettant d’en savoir plus sur l’affreux Olrik,
l’éternel ennemi de nos deux héros.
Les albums de
l’ère post-jacobsienne, contrairement à ceux de l’ère précédente, ont été
publiés en fonction de l’inspiration de leurs scénaristes respectifs, et leur
ordre de parution ne suit pas l’ordre chronologique. Un article de
« Wikipédia » s’est efforcé de remettre tous les récits dans l’ordre,
ce qui donne le résultat suivant (merci à l’auteur dudit article, qui
s’est coltiné ce fastidieux travail, que je me suis contenté de copier-coller
en y ajoutant une remarque pour la datation du Serment des cinq lords, du testament de William S. et de La Vallée des Immortels. Les dates entre crochets correspondent à la
1ere publication du récit en album) :
-1944 : Le Bâton de Plutarque [2014]
Cette aventure se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale, deux ans avant Le Secret de l'Espadon.
-1946 : Le Secret de l'Espadon [1950 et 1953]
Comme toutes les aventures écrites par Edgar P. Jacobs, celle-ci se déroule à la même date que son écriture. La prépublication débute le 26 septembre 1946 dans Le Journal de Tintin.
-1947 ? : La Vallée des Immortels . En deux tomes [2018 et 2019]
Cette aventure se déroule juste après la chute de l'Empire jaune, au moment de la victoire communiste en Chine. En fait, l'état d'avancement de la guerre civile chinoise laisse à penser que l'on serait plutôt en 1949. Mais la date donnée par les auteurs à l'album suivant (janvier 1948) nous oblige à retenir cette hypothèse.
-1948 : Le Dernier Espadon [2021]
Se présente comme la suite directe de l'opus précédent. Comporte, malgré d'indéniables qualités, de grosses incohérences chronologiques avec l'ensemble de la saga.
-1950 : Le Mystère de la Grande Pyramide [1954 et 1955]
Cette aventure se déroule après Le Secret de l'Espadon. Elle se situe à la même date que son écriture. La prépublication débute le 23 mars 1950 dans Le Journal de Tintin.
-Décembre 1952 : La Marque jaune [1956]
Cette aventure se déroule après Le Mystère de la Grande Pyramide. Elle se situe à la même période que son écriture. La prépublication débute le 5 août 1953 dans Le Journal de Tintin. L'action se déroule durant le mois de décembre. En effet, en page 10, une lettre envoyée par la Marque jaune est datée du 18 décembre. De plus en page 70, Francis Blake souhaite un « Joyeux Noël à tous ». Il s'agit de décembre 1952 car L'Onde Septimus se déroule au mois de juin de l'année suivant La Marque Jaune. Comme L'Affaire Francis Blake se déroule en juin de l'année 1954, L'Onde Septimus ne peut se situer qu'en juin 1953.
-Juin 1953 : L'Onde Septimus [2013]
Cette aventure se déroule après La Marque jaune et en est la suite directe. Le récit débute page 5 durant « Trooping the Colour », la parade d'anniversaire de la reine Elizabeth II. Cette cérémonie a lieu au mois de juin.
-1950 : Le Mystère de la Grande Pyramide [1954 et 1955]
Cette aventure se déroule après Le Secret de l'Espadon. Elle se situe à la même date que son écriture. La prépublication débute le 23 mars 1950 dans Le Journal de Tintin.
-Décembre 1952 : La Marque jaune [1956]
Cette aventure se déroule après Le Mystère de la Grande Pyramide. Elle se situe à la même période que son écriture. La prépublication débute le 5 août 1953 dans Le Journal de Tintin. L'action se déroule durant le mois de décembre. En effet, en page 10, une lettre envoyée par la Marque jaune est datée du 18 décembre. De plus en page 70, Francis Blake souhaite un « Joyeux Noël à tous ». Il s'agit de décembre 1952 car L'Onde Septimus se déroule au mois de juin de l'année suivant La Marque Jaune. Comme L'Affaire Francis Blake se déroule en juin de l'année 1954, L'Onde Septimus ne peut se situer qu'en juin 1953.
-Juin 1953 : L'Onde Septimus [2013]
Cette aventure se déroule après La Marque jaune et en est la suite directe. Le récit débute page 5 durant « Trooping the Colour », la parade d'anniversaire de la reine Elizabeth II. Cette cérémonie a lieu au mois de juin.
-Hiver 1953-1954 : Le Cri du Moloch [2020]. Suite directe de l'histoire précédente.
-Juin 1954 : L'Affaire Francis Blake [1996]
Cette aventure se déroule après Le Mystère de la Grande Pyramide. En page 37, un calendrier situé dans le bureau de l'inspecteur chef Kendall indique comme date du jour le samedi 19 juin 1954 (1954 Saturday June 19th). En page suivante Mortimer lit l'article d'un journal relatant un événement survenu le 18 juin.
-Octobre 1954 : L'Étrange Rendez-vous [2001]
Cette aventure se déroule après Le Secret de l'Espadon et La Marque jaune. Elle se situe avant 1958 comme l'indique la note en bas de la page 26. Le récit débute page 3 par une analepse, située le 17 octobre 1777. Puis il est indiqué en page 5 que la suite du récit se passe « 177 ans plus tard », c'est-à-dire en 1954. En page 18, le docteur Kaufman indique d'ailleurs « Cette année 1954, l'année où nous sommes ». Plus loin en page 50, il précise même que les événements se déroulent en octobre 1954.
-Fin 1954 : Le Serment des cinq Lords [2012]
Cette aventure se déroule après Le Secret de l'Espadon. Le récit débute page 3 par une analepse datée de novembre 1919. Puis en page 6, il est précisé que le reste du récit se déroule « 35 ans plus tard », ce qui correspond à l'année 1954. L'aventure se déroule en fin d'année comme l'atteste la météo hivernale.
Petit problème : à la fin de cette histoire (p.64), Mortimer reçoit une lettre lui annonçant qu’il vient d’être admis au très sélect « Centaur Club », pour le récompenser de ses exploits contre la « Marque jaune », lesdits exploits étant censés avoir eu lieu au cours des précédentes fêtes de Noël, donc en 1953. Ce qui ne colle pas avec la date mentionnée plus haut pour la Marque jaune, à savoir décembre 1952.
-Septembre 1955 : La Malédiction des trente deniers [2009 et 2010]
Cette aventure se déroule peu après L'Étrange Rendez-vous. Le récit débute en page 3 par un tremblement de terre qui se déclenche dans la nuit du 26 au 27 août. Puis peu après, il est indiqué en page 5 que deux semaines ont passées. Le colonel Olrik est détenu au pénitencier de Jacksonville, en Floride, aux États-Unis depuis la fin des événements de 'L'Étrange Rendez-vous. En page 55, une note indique que l'aventure se déroule douze ans avant l'année 1967, c'est-à-dire en 1955.
-1956 : L'Énigme de l'Atlantide [1957]
Cette aventure se situe à la même date que son écriture. La prépublication débute le 19 octobre 1955 dans Le Journal de Tintin. Ce ne peut être en 1955 car Olrik est en prison durant la plus grande partie de cette année là.
-Janvier à octobre 1957 : La Machination Voronov [2000]
Le récit débute page 3 le 16 juin et se finit page 62 le 4 octobre. A cette même page, il est signalé par la radio le lancement du satellite artificiel Spoutnik 1 qui a lieu le 4 octobre 1957. A la fin de l'aventure en page en page 60, Olrik est emprisonné dans un goulag russe. Il n'en sortira que durant Les Sarcophages du 6e continent.
-Février à avril 1958 : Les Sarcophages du 6e continent [2003 et 2004]
Cette aventure se déroule après La Marque jaune et La Machination Voronov. Le récit débute tome 1 page 3 en février 1958 et s'achève tome 2 page 56 le 17 avril 1958 à Bruxelles lors de l'ouverture de l'Exposition universelle de 1958.
-Été 1958 : Le Sanctuaire du Gondwana [2008]
Cette aventure se déroule après La Marque jaune, La Machination Voronov et Les Sarcophages du 6e continent. En page 10, le journal que consulte Mortimer date le début des événements d'avril 1958. En page 6, la suite du récit se déroule « Trois mois plus tard », soit le mois de juillet.
-Fin août 1958: Le Testament de William S. Les événements semblent avoir lieu immédiatement après ceux du Sanctuaire du Gondwana.
-Avril 1959 : S.O.S. Météores [1959]
Cette aventure se situe à la même période que son écriture. La prépublication débute le 8 janvier 1958 dans Le Journal de Tintin. À la fin de l'aventure en page 64, Olrik est enfermé dans une prison française. Il ne s'en échappera que durant L'Affaire du collier.
-Septembre à Novembre 1960 : Le Piège diabolique [1962]
Cette aventure se déroule après S.O.S. Météores. Elle se situe à la même date que son écriture. La prépublication débute le 22 septembre 1960 dans Le Journal de Tintin. En page 63, un article de presse indique que la conclusion se situe en novembre et qu'elle a débutée deux mois plus tôt, c'est-à-dire en septembre.
-1963 : L'Affaire du collier [1967]
Cette aventure se déroule après S.O.S. Météores. En page 3, un article de presse indique que l'Affaire du collier de la reine Marie-Antoinette d'Autriche a eu lieu 178 ans plus tôt, en 1785. L'action se situe donc en 1963.
-Juin 1954 : L'Affaire Francis Blake [1996]
Cette aventure se déroule après Le Mystère de la Grande Pyramide. En page 37, un calendrier situé dans le bureau de l'inspecteur chef Kendall indique comme date du jour le samedi 19 juin 1954 (1954 Saturday June 19th). En page suivante Mortimer lit l'article d'un journal relatant un événement survenu le 18 juin.
-Octobre 1954 : L'Étrange Rendez-vous [2001]
Cette aventure se déroule après Le Secret de l'Espadon et La Marque jaune. Elle se situe avant 1958 comme l'indique la note en bas de la page 26. Le récit débute page 3 par une analepse, située le 17 octobre 1777. Puis il est indiqué en page 5 que la suite du récit se passe « 177 ans plus tard », c'est-à-dire en 1954. En page 18, le docteur Kaufman indique d'ailleurs « Cette année 1954, l'année où nous sommes ». Plus loin en page 50, il précise même que les événements se déroulent en octobre 1954.
-Fin 1954 : Le Serment des cinq Lords [2012]
Cette aventure se déroule après Le Secret de l'Espadon. Le récit débute page 3 par une analepse datée de novembre 1919. Puis en page 6, il est précisé que le reste du récit se déroule « 35 ans plus tard », ce qui correspond à l'année 1954. L'aventure se déroule en fin d'année comme l'atteste la météo hivernale.
Petit problème : à la fin de cette histoire (p.64), Mortimer reçoit une lettre lui annonçant qu’il vient d’être admis au très sélect « Centaur Club », pour le récompenser de ses exploits contre la « Marque jaune », lesdits exploits étant censés avoir eu lieu au cours des précédentes fêtes de Noël, donc en 1953. Ce qui ne colle pas avec la date mentionnée plus haut pour la Marque jaune, à savoir décembre 1952.
-Septembre 1955 : La Malédiction des trente deniers [2009 et 2010]
Cette aventure se déroule peu après L'Étrange Rendez-vous. Le récit débute en page 3 par un tremblement de terre qui se déclenche dans la nuit du 26 au 27 août. Puis peu après, il est indiqué en page 5 que deux semaines ont passées. Le colonel Olrik est détenu au pénitencier de Jacksonville, en Floride, aux États-Unis depuis la fin des événements de 'L'Étrange Rendez-vous. En page 55, une note indique que l'aventure se déroule douze ans avant l'année 1967, c'est-à-dire en 1955.
-1956 : L'Énigme de l'Atlantide [1957]
Cette aventure se situe à la même date que son écriture. La prépublication débute le 19 octobre 1955 dans Le Journal de Tintin. Ce ne peut être en 1955 car Olrik est en prison durant la plus grande partie de cette année là.
-Janvier à octobre 1957 : La Machination Voronov [2000]
Le récit débute page 3 le 16 juin et se finit page 62 le 4 octobre. A cette même page, il est signalé par la radio le lancement du satellite artificiel Spoutnik 1 qui a lieu le 4 octobre 1957. A la fin de l'aventure en page en page 60, Olrik est emprisonné dans un goulag russe. Il n'en sortira que durant Les Sarcophages du 6e continent.
-Février à avril 1958 : Les Sarcophages du 6e continent [2003 et 2004]
Cette aventure se déroule après La Marque jaune et La Machination Voronov. Le récit débute tome 1 page 3 en février 1958 et s'achève tome 2 page 56 le 17 avril 1958 à Bruxelles lors de l'ouverture de l'Exposition universelle de 1958.
-Été 1958 : Le Sanctuaire du Gondwana [2008]
Cette aventure se déroule après La Marque jaune, La Machination Voronov et Les Sarcophages du 6e continent. En page 10, le journal que consulte Mortimer date le début des événements d'avril 1958. En page 6, la suite du récit se déroule « Trois mois plus tard », soit le mois de juillet.
-Fin août 1958: Le Testament de William S. Les événements semblent avoir lieu immédiatement après ceux du Sanctuaire du Gondwana.
-Avril 1959 : S.O.S. Météores [1959]
Cette aventure se situe à la même période que son écriture. La prépublication débute le 8 janvier 1958 dans Le Journal de Tintin. À la fin de l'aventure en page 64, Olrik est enfermé dans une prison française. Il ne s'en échappera que durant L'Affaire du collier.
-Septembre à Novembre 1960 : Le Piège diabolique [1962]
Cette aventure se déroule après S.O.S. Météores. Elle se situe à la même date que son écriture. La prépublication débute le 22 septembre 1960 dans Le Journal de Tintin. En page 63, un article de presse indique que la conclusion se situe en novembre et qu'elle a débutée deux mois plus tôt, c'est-à-dire en septembre.
-1963 : L'Affaire du collier [1967]
Cette aventure se déroule après S.O.S. Météores. En page 3, un article de presse indique que l'Affaire du collier de la reine Marie-Antoinette d'Autriche a eu lieu 178 ans plus tôt, en 1785. L'action se situe donc en 1963.
Année chargée pour nos héros, puisque c'est aussi à ce moment que se déroulent les péripéties de Huit heures à Berlin [2022], sans doute après l'Affaire du collier, puisqu'on y retrouve Olrik qui venait juste de s'évader de sa prison française au début de ce dernier album. Présence assez peu vraisemblable d'ailleurs, et à mon avis pas franchement nécessaire à un scénario somme toute fort réussi, avec quelques allusions aux Yeux sans visages, de Franju, au Rideau déchiré d'Hitchcock (qui apparaît lui-même en figurant, comme il aimait à le faire dans ses propre films), à Orange mécanique (le reconditionnement de Mortimer) et à la série Le Prisonnier.
-1971 : Les 3 Formules du professeur Satō [1977 et 1990]
Cette aventure se déroule après L'Affaire du collier. Elle se situe à la même date que son écriture. La prépublication débute le 12 octobre 1971 dans Le Journal de Tintin. En page 4 du tome 2, Blake séjourne à l'hôtel New Otani qui a été construit en 1964. En page 22 du tome 2, l'action se déroule dans le quartier de Shinagawa qui a été construit en 1947.
-Le Cri du Moloch : fait réapparaître, pour des rôles très secondaires, Lilly Sing et Lady Rowana.
-1971 : Les 3 Formules du professeur Satō [1977 et 1990]
Cette aventure se déroule après L'Affaire du collier. Elle se situe à la même date que son écriture. La prépublication débute le 12 octobre 1971 dans Le Journal de Tintin. En page 4 du tome 2, Blake séjourne à l'hôtel New Otani qui a été construit en 1964. En page 22 du tome 2, l'action se déroule dans le quartier de Shinagawa qui a été construit en 1947.
Edgar
Pierre Jacobs, un artiste polyvalent.
Né le 30 mars
1904 à Bruxelles, décédé à Lasne (Belgique) le 20 février 1987, Edgar Pierre
Jacobs ne semblait pas prédestiné à ce que l’on appelait avec mépris dans sa
jeunesse les « petits Mickeys ». Mais ses talents de dessinateur
sautent aux yeux à la lecture de ses cahiers d’écolier, où son goût pour
l’Histoire se manifeste par de splendides illustrations ayant souvent pour
thème le Moyen-Age.
Il exercera
jusqu’à près de quarante ans toute sorte de métiers : dessinateur de
bijoux, retoucheur de photos, illustrateur de publicité. Aucune prédisposition
particulière pour la science-fiction, qui sera pourtant le fondement de son
grand œuvre. Tout au plus Jacobs a-t-il lu Conan Doyle (dont les exploits du
Professeur Challenger), ainsi que Herbert George Wells (dont il illustrera une
réédition de La Guerre des Mondes). Sa
passion le porte vers le théâtre et l’opéra, participant à la grande revue du
Casino de Paris en compagnie de Mistinguett, pour devenir artiste lyrique à
l’opéra de Lille. Il élabore lui-même certains décors, écrit des pièces…
Une passion du
détail que l’on va retrouver par la suite dans les travaux préparatoires de ses
BD, toujours nourries d’une solide documentation, avec réalisation de maquettes
pour les véhicules, de plans pour les lieux clés, etc…
L’auteur
de ces lignes a pu en tester la rigueur au cours du mois d’août 1992. J’étais à
l’époque en vacances chez un ami, résidant à Orsay, au sud de Paris, dont le
père possédait toute la collection des Blake
et Mortimer. En relisant SOS Météores,
dont l’action se déroulait non loin de là, avec moult indications
géographiques, nous eûmes l’idée de partir sur les traces de Mortimer et de
retrouver le fameux domaine de « Troussalet », base secrète des
méchants de service. Ce ne fut pas sans mal, car l’urbanisme de la région
parisienne avait passablement évolué en 34 ans, mais nous avons trouvé l’entrée
du domaine, identique ou presque à celle dessinée par Jacobs. Pour les fans de
l’album, je conseille l’excellent site suivant : emmanuelmailly.free.fr/essaiparent1.htm
En
1940, Jacobs abandonne avec regret l’opéra pour des tâches alimentaires, à
savoir illustrateur dans la revue belge Bravo !,
journal pour enfants.
Le
Rayon U, œuvre fondatrice.
Ce premier album
de Jacobs était en fait un travail de commande pour Bravo !, qui avait déjà eu recours à lui pour terminer des
épisodes de Flash Gordon (Gordon l’intrépide) dont la livraison,
occupation de la Belgique oblige, avait été interrompue en 1942 par l’entrée en
guerre des Etats-Unis. Le succès du genre poussa donc l’éditeur à demander à
Jacobs de créer une « flash gordonnerie » à la sauce européenne, qui
parut entre 1943 et 1944. Ce Rayon U
dut attendre trente années pour sorti en album, et c’est ainsi que je fis sa
découverte, par la grâce des éditions Dargaud (1974).
Comme le
démontre fort bien Claude Le Gallo, tout l’univers jacobsien est déjà présent
dans cet opus de « jeunesse » (jeunesse toute relative, puisque
l’auteur était dans sa quarantième année lorsqu’il acheva cette
histoire) : la science, l’aventure, un monde préhistorique, une
civilisation perdue de type précolombien, de longues pérégrinations dans
d’obscurs et inquiétants souterrains. Il n’est guère difficile, avec un peu de
recul, de repérer dans les personnages du Rayon
U ceux de l’épopée de Blake et
Mortimer.
L’élégant, blond
et sportif Lord Calder annonce déjà Francis Blake ; le Professeur
Marduk : Philip Mortimer ; le fidèle Adji : Nasir ; le fourbe Dagon : Olrik, etc…
Par contre, des
différences sautent aux yeux. D’abord, le souci du réalisme, qui imprègne
toutes les aventures de Blake et Mortimer,
s’efface ici complètement au profit d’une sorte d’ « Heroïc
fantasy » mâtinée de Space Opera (sans
l’espace, mais avec les costumes du genre selon la mode de l’époque), dans une
intrigue d’ensemble aussi simpliste que linéaire, vaguement inspirée de celle
du Monde perdu. Quel décalage avec
les scénarios si bien charpentés dont Jacobs nous a régalés par la suite !
Enfin, l’importance –toute relative néanmoins- des personnages féminins :
Sylvia Hollis, fille adoptive de Marduk, et la princesse Ica. Leur rôle est
certes assez passif, mais c’est leur présence qui fait rebondir l’action
(enlèvements, jalousie, etc…) Les codes de la BD pour la jeunesse, édictées par
la loi de 1949, vont par la suite priver
les deux futurs grands héros de Jacobs de toute compagnie féminine, jusqu’à
leur reprise en main par les « continuateurs » de l’œuvre du maître.
L’envol de l’Espadon.
A partir de
1944, Jacobs est engagé par Hergé en tant que décoriste et coloriste pour
divers albums de Tintin. Lorsque le
maître de l’Ecole belge fonde le journal éponyme de son héros, en 1946, Jacobs fait
naturellement partie de l’équipe. Cette même année, il lance sa propre série
avec les premières aventures de Blake et Mortimer, qui vont bientôt envahir
toute son existence.
Le
Secret de l’Espadon pose d’emblée les bases de ce que
seront les aventures de nos deux héros. D’abord des méchants aux ambitions
démesurées, utilisant la science pour faire le mal : Basam Damdu, maître
absolu de l’ « Empire jaune » (tapi au cœur du Tibet), et son
homme de main, le « renégat » Olrik, se lancent à la conquête du
Monde. Les Jaunes, par leur idéologie leurs uniformes et leurs armes, évoquent
irrésistiblement les puissances fascistes et militaristes (Allemagne nazie et
Japon) qui venaient d’être vaincues par les Alliés.
Face à eux, des
héros au cœur pur, défenseurs de la civilisation occidentale, rempart de
l’humanité tout entière : Blake et Mortimer, respectivement guerrier et
cerveau de l’Empire britannique.
Ensuite, une
intrigue solidement documentée, où les progrès scientifiques et techniques sont
omniprésents, directement inspirés des dernières avancées de l’époque :
l’arme atomique bien sûr, les avions à réaction, les fameuses « ailes
volantes » (que l’US Air Force abandonna au début des années 1950, pour y
revenir bien plus tard) et bien entendu l’Espadon, l’engin fabuleux mis au
point par le professeur Mortimer, à la fois avion, fusée et sous-marin.
Enfin,
l’importance des décors, le plus souvent exotiques en ce qui concerne cette
histoire, dont l’essentiel de l’action se déroule aux confins de l’Iran, du
Pakistan actuel et du Golfe Persique. Certains lieux ont visiblement fasciné
l’auteur, qu’ils soient réels, comme les
falaises et rochers spectaculaires du Makran ; ou plus ou moins
imaginaires, tel le dédale souterrain de la base secrète du Détroit d’Ormuz. Ce
dernier endroit est en fait une transposition en plus vaste de la base
britannique de Gibraltar et de son fameux rocher. La centrale nucléaire en
plus !
Pour conclure,
une fin éminemment positive : les méchants sont anéantis, à l’exception
d’Olrik, ennemi récurrent et Mal nécessaire, et nos héros se chargent, sur fond
de chantier de reconstruction de la ville de Londres, de la morale qui
s’impose :
Mortimer :
« Mon Dieu !
Que de ruines ! »
Blake :
« Oui, vieux
camarade, mais nous rebâtirons et, une fois encore, la civilisation aura eu le
dernier mot ! Espérons que cette fois, ce sera pour de bon !!! »
(dernière vignette de la dernière planche du Secret de l’Espadon.)
Cet album, coup
d’essai et presque coup de maître, voit monter en puissance les qualités
graphiques et scénaristiques de Jacobs, avec des temps forts qui ont marqué des
générations de lecteurs par leur tension dramatique, et que l’on imagine
aisément transposés au cinéma : l’insurrection de la ville de Turbat, le
combat désespéré de Mortimer au sommet de la montagne pyramidale (admirables
jeux de lumière avec les faisceaux de projecteurs, une constante de toute
l’œuvre de Jacobs, visiblement marqué par son expérience théâtrale), le
suspense précédant son évasion de sa prison de Karachi, la bataille du détroit
d’Ormuz, etc…Mais on reste malgré tout dans un récit de guerre et d’espionnage
assez classique, une « resucée » de la deuxième guerre mondiale et
des poncifs du genre.
Il fallait de
plus solides fondations à l’œuvre de Jacobs, et le récit suivant allait
largement faire le poids.
Un monument : le Mystère de la
Grande Pyramide.
Cette fois,
c’est en Egypte que l’auteur emmène ses héros et ses lecteurs, dans une
chasse au trésor qui préfigure bien des films du genre, tel Indiana Jones. La découverte de
fragments de papyrus de l’historien antique Manéthon va leur permettre de
retrouver la « chambre d’Horus », le tombeau d’Akhénaton, le pharaon monolâtre
du culte d’Aton. Evidemment, Olrik est sur le coup, mais sera finalement puni
par le Cheikh Abdel Razek, l’ « initié » gardien du sépulcre.
On a beaucoup
écrit sur ce que certains considèrent comme LE chef d’œuvre d’Edgar Pierre
Jacobs, à égalité avec la Marque jaune. Je
ne prétends pas ici faire mieux ou très original, aussi me contenterai-je de
quelques observations.
Sur la forme
d’abord. Ce récit de 106 planches (dans son édition originale en album), contre
142 pour l’opus précédent, se caractérise
par de longs récitatifs et des phylactères envahissant presque
totalement certaines vignettes. C’est le seul album de toute la série qui
comporte une introduction illustrée de deux pages, signée de l’auteur, au
contenu fort didactique. La clôture de ce texte révèle la passion de Jacobs
pour l’art dramatique :
« La
rideau va se lever ! Bonne lecture…et bon voyage ! L’histoire
commence ! »
L’intention
pédagogique se confirme quelques pages plus loin, avec une véritable visite
guidée du Musée du Caire offerte à Mortimer –et au lecteur- par son
conservateur, Ahmed Rassim Bey.
Quiconque aime
la lecture ne saurait en être gêné, mais il y a de quoi largement rebuter les
gamins d’aujourd’hui nourris aux mangas. Toutefois, la qualité des textes fait
de cette BD un véritable « roman graphique » (bien avant la
vulgarisation de cette expression), et pose ici définitivement le style du
maître, avec une certaine emphase dans le propos comme dans la gestuelle des
personnages. Le dessin quant à lui continue à progresser, sans atteindre à mon
sens l’apogée que constitue La Marque
jaune. Les effets de lumière, essentiels ici, sont absolument remarquables,
et certaines vignettes sont d’une beauté sans précédent pour l’époque.
Sur le fond,
l’intrigue est la fois très solide en matière historique, admirablement
construite, et débouche sur une conclusion superbe, teintée de surnaturel.
Au final, un
régal d’aventures archéologiques, dans le décor délicieusement suranné de
l’Egypte du roi Farouk. Temps révolu et quasiment paradisiaque, quant on le
compare avec la situation présente de ce
malheureux pays. Mais c’est dans les brumes londoniennes que Jacobs va
atteindre le sommet de son art.
Une œuvre mythique : la Marque Jaune.
A l’approche de
Noël 1952, Londres vit dans l’angoisse. Un personnage mystérieux, surnommé
« la Marque jaune » à cause de l’étrange signature qu’il laisse
derrière lui, commet une succession de délits spectaculaires, dont le vol des
fameux « joyaux de la Couronne »…shocking !
Chacun de ses
méfaits est annoncé par ses soins dans la presse, à la façon d’un Arsène Lupin
ou d’un Fantômas, et la police semble impuissante à l’arrêter. Mais pourquoi
diable ce criminel, doté de pouvoirs apparemment surnaturels, décide-t-il
d’enlever, l’un après l’autre, plusieurs membres du club auquel appartient
justement le capitaine Blake ?
Ma première
lecture de ce récit remonte à 1979, chez un de mes oncles résidant dans le
Vaucluse. Je m’en souviens encore comme si c’était hier, tant cet album m’a
captivé de bout en bout. Tout est parfait dans cet opus, pour quiconque n’est
pas allergique à la « ligne claire ». Une intrigue magnifiquement
montée (à un détail près, hélas, sur lequel je reviendrai dans la partie
« bêtisier » de cet article), et une qualité de dessin que l’auteur
ne surpassera plus jamais. Les vues de Londres sous la pluie, le brouillard, le
dédale inquiétant des docks dans la nuit ou des égouts de la cité, la chaleur rassurante des pubs, la classe
toute victorienne du « Centaur Club »…Nous sommes dans une ambiance
digne de « Jack l’éventreur » et de Sherlock Holmes. Non content de nous faire visiter les plus hauts
lieux de Londres, de sa célèbre Tour jusqu’au 10 Downing Street en passant par
Picadilly, Jacobs parsème plus que jamais ses dialogues d’expressions anglaises
(une langue qu’il ne parlait pas vraiment), et achève de camper le caractère so british de ses héros. Ce n’est pas un
hasard si la Marque jaune fait partie
aujourd’hui des grands mythes de la BD, et l’un des plus parodiés.
L’Espadon,
la Grande Pyramide et la Marque Jaune constituent le triptyque fondateur de
l’univers jacobsien, dont le développement ultérieur ne sera, pour l’essentiel,
qu’une série de variations sur les trois thèmes évoqués plus haut :
-merveilles
et dangers de la science.
-voyage
dans l’espace et dans le temps.
-la
sagesse et la droiture contre la folie et le crime.
Ce dernier thème
est porté par un trio sur lequel il est grand temps de nous pencher.
Blake,
Mortimer, Olrik : un trio presque inséparable.
Pour le physique
de ses trois personnages principaux, Jacobs n’est pas allé chercher bien loin.
Ce sont deux
membres fondateurs de l’équipe du journal de Tintin qui vont lui inspirer le visage des héros éponymes de la
série : le dessinateur Jacques Laudy pour Blake ; le rédacteur en
chef du journal Jacques Van Melkebeke pour Mortimer. Olrik serait à rattacher à Henri Auguste Quittelier, premier époux de la seconde femme de Jacobs, avec lequel les relations furent des plus orageuses. Toutefois, le Maître prétendit un temps n'avoir eu d'autre modèle que lui-même pour incarner son "grand méchant".
La période
jacobsienne ne contient quasiment aucune information sur le passé de ces
personnages. Les deux héros sont déjà amis au début du Secret de l’Espadon, et connaissent aussi Olrik, qualifié de
« renégat ». Pourquoi ce terme ? Pourquoi, par ailleurs, le même
Olrik emploie-t-il souvent la curieuse
expression « mes maîtres » lorsqu’il s’adresse à Blake et
Mortimer ? Ce dernier révèle juste, au détour d’une recherche aux archives
du « Daily Mail » (cf La Marque
jaune) qu’il était « aux Indes » en 1922. Et c’est tout !
Pour en savoir
plus, il convient de lire Un opéra de
papier, où Jacobs livre de précieuses indications biographique sur ses
personnages, que les auteurs de la période post-jacobsienne vont pouvoir
utiliser.
Francis Blake et
Philip Mortimer font connaissance à Bombay, dans les années 1920. Ils sont
alors étudiants, et profitent de leurs congés d’été pour retrouver leurs
parents résidant en Inde. Tous deux issus d’un milieu aisé, partageant les
mêmes valeurs morales, dont la défense de l’honneur et du bon droit, les deux
jeunes gens voient ensuite leurs chemins se séparer. Ils ne se retrouvent qu’en
1944 pour former le tandem bien connu, qui finira par partager le même logement
londonien au 99 bis, Park Lane, à la façon de Holmes et Watson au 221 bis Baker
Street (Un couple qui a de toute évidence servi de modèle à Jacobs, aussi bien
pour le physique de ses héros que pour la personnalité de leur ennemi éternel,
Olrik/Moriarty).
Contrairement à
ce que laisse penser le titre de la série, c’est Mortimer qui joue le rôle moteur
dudit tandem. Il occupe le devant de la scène dans Le Mystère de la Grande Pyramide, et fait démarrer les intrigues de
tous les autres albums de Jacobs à partir de L’énigme de l’Atlantide, à l’exception de l’Affaire du collier et de l’Affaire
Francis Blake. L’album SOS Météores
est carrément sous-titré Mortimer à Paris,
ce qui est un rien abusif, car le savant disparaît de l’histoire à la page 23
pour ne ressurgir qu’à la page 49, laissant Blake résoudre l’affaire avec ses
amis français. Mais c’est quand même
le professeur, à la fin, qui fait exploser la machine infernale des
méchants ! Dans le Piège diabolique,
Mortimer est quasiment seul, Blake jouant les « utilités » au début
et à la fin de l’album. Rebelote dans le tome 1 des Trois formules du Professeur Sato, où Blake est totalement absent.
A la limite, la
série aurait pu s’intituler « les exploits de Philip Mortimer ».
Philip
Angus Mortimer : né vers 1909 dans les Indes
britanniques, d’origine écossaise par sa mère, Mortimer est un être jovial,
passionné de sciences et d’Histoire. Généreux et emporté, il a tendance à
foncer tête baissée dans les pires ennuis, poussé par sa curiosité comme par de
nobles sentiments. Il est trapu, barbu, aux cheveux châtains tirant sur
le roux. Fumeur de pipe et bon vivant, il ne crache jamais sur un bon repas et
sait apprécier le whisky comme les grands vins (notamment le Pomerol 1947).
En rupture avec
son père (médecin militaire) après un séjour tragique à Simla, en Inde, il fait
ses études supérieures à l’université de Glasgow et se spécialise en physique
nucléaire. S’ensuit un parcours brillant, passant par les Etats-Unis
(Massachussetts Institute of Technology, puis Berkeley). Mortimer est recruté par
le gouvernement britannique lorsqu’éclate la 2e Guerre mondiale. Il
participe aux programmes de recherche militaire les plus avancés et les plus
secrets, tels que « Ultra » (le décryptage des codes ennemis, au
centre de Bletchley Park) ou les nouveaux modèles d’avions à réaction testés
dans la base de Scaw-Fell, dissimulée au cœur des montagnes de Lake District.
Sa plus grande
réussite est bien entendu la réalisation de l’Espadon, qui le rendra célèbre à
tel point que la postérité finira par lui attribuer des inventions qui ne sont
pas de lui, comme le « télécéphaloscope » de Jonathan Septimus !
(cf Le Piège diabolique, page 34)
On ne connaît
que deux amours au respectable Philip Mortimer, qui se sont hélas mal
terminées : la Princesse indienne Gita (les Sarcophages du 6e continent), et l’archéologue Sarah
Summertown, de neuf ans plus âgée que lui (même récit que le précédent, et Le sanctuaire du Gondwana). Il est plus
que probable que Mortimer soit le père de la fille unique de Sarah Summertown,
mais celle-ci le lui a toujours caché.
Détail curieux,
on ne connaît aucun frère ou sœur à Mortimer, alors qu’il est question, dans le Piège diabolique, d’arrières neveux
ayant émigré sur Pluton. D’où sortent-ils donc ?
Francis
Percy Blake : à peu près du même âge que Mortimer,
Blake est aussi fils d’officier. Il a pour autre point commun avec son ami de
ne pas être un « pur Anglais », étant originaire du Pays de Galles.
Au physique comme au tempérament et dans les origines sociales, les deux hommes
se distinguent. Blake est blond, grand et mince, avec une fine moustache. D’une
nature plus flegmatique, il n’est pas dépourvu de romantisme et d’idéalisme,
comme le prouve sa fondation, avec quelques amis de jeunesse, de la
« Spirit Old Society », un club des admirateurs de Lawrence d’Arabie (cf
Le Serment des cinq lords). Il vient d’un milieu nettement plus
aristocratique que Mortimer, et s’engage dans
une carrière militaire conforme aux vœux de son père après des études de
Sciences politiques.
Engagé dans la
RAF comme pilote de chasse, il est recruté par le MI5. Mais sa première mission
de terrain, en 1935, l’amène à participer malgré lui au meurtre –déguisé en
accident- de son héros, Thomas Edward Lawrence. Dégoûté, Blake retourne avec
plaisir à son métier de pilote lorsque débute la 2e guerre mondiale.
Il s’y distingue particulièrement au printemps 1944, en testant pour la première
fois en mission de combat le prototype d’un avion à réaction, le « Golden
Rocket » (cf Le bâton de Plutarque).
Ayant réussi à sauver le parlement britannique d’une attaque suicide allemande,
il est remarqué par le colonel Benson, du MI6, qui le convainc de rejoindre ses
services pour y remplacer son assistant décédé. C’est dans ces circonstances
qu’il retrouve Philip Mortimer.
Après la mort de
Benson, la veuve de l’officier offre aux deux amis d’être locataires à bon prix
d’une partie de sa résidence londonienne, au 99 bis Park Lane. Elle deviendra
la logeuse dévouée de nos héros, plus proche de la nounou que de la
propriétaire acariâtre.
Champion du
déguisement, maniant parfaitement un nombre impressionnant de langues
étrangères, Blake est un agent secret digne de James Bond…sauf dans le domaine
des conquêtes féminines, apparemment voisines de zéro. Tout au plus peut-on
deviner une tendresse particulière de sa part pour sa collègue russe Nastassia
Wardynska, infiltrée par le MI6 au sein du programme spatial soviétique à
Baïkonour (la machination Voronov).
Olrik :
Super-méchant
de service, le « colonel » Olrik est le personnage le plus mystérieux
du trio. Ses origines sont inconnues, probablement de quelque pays d’Europe
centrale. Dans le Bâton de Plutarque,
on apprend qu’il aurait servi dans l’armée hongroise, avant d’offrir ses
talents aux services secrets britanniques. Tout en fourberie et en
dissimulation, Olrik sert en fait dès 1944 le cruel et mégalomane empereur du
Tibet, Basam Damdu.
Grand, cheveux
noirs, nez aquilin, souvent vêtu avec classe (uniforme ou costume trois
pièces), Olrik est l’archétype du « vilain » des récits d’aventures
du milieu du XXe siècle. C’est aussi le roi du déguisement et des coups tordus,
toujours prêt à trahir ses employeurs et ses complices. Olrik travaille
rarement pour son propre compte, ce qui semble être le cas dans deux récits
seulement (Le Mystère de la Grande
Pyramide et l’Affaire du Collier).
Il est le plus souvent au service d’une puissance étrangère hostile au monde
libre (l’Empire jaune, l’URSS…) ou d’une vaste organisation criminelle de type
mafieux, comme le « groupe Scorpio » (Les 3 formules du professeur Sato).
Tel Moriarty, Fantômas
ou Monsieur Choc, Olrik est littéralement increvable. Il survit ainsi au
bombardement nucléaire de Lhassa par l’escadrille d’Espadons de Francis Blake (Le secret de l’Espadon, tome 2), à une
chute dans une crevasse et à l’engloutissement des restes de l’Atlantide (l’Enigme de l’Atlantide). Il est
néanmoins censé disparaître pour de bon à la fin du tome 2 des Trois formules du Professeur Sato, dans
l’explosion de son hélicoptère, après 27 ans de carrière au service du Mal. Du
moins jusqu’à ce que les continuateurs de Jacobs en décident autrement !
Olrik n’est
cependant pas invulnérable, loin s’en faut. Il est capturé à plusieurs reprises
(pour s’évader rapidement, comme il se doit), mais sa principale punition lui
est infligée dans trois récits successifs. A la fin du Mystère de la Grande Pyramide, le Cheikh Abdel Razek lui lance une
terrible malédiction (« Que ton nom ne soit plus ! ») qui lui
fait perdre la mémoire comme la raison. Le misérable s’enfonce ensuite dans le
désert égyptien, l’air égaré.
On le retrouve
dans la Marque jaune comme
marionnette pitoyable du professeur Septimus, qui l’a baptisé « guinea
pig » (« cobaye »). S’il parvient à se libérer de l’emprise de
son maître, Olrik n’en a pas pour autant fini avec ses troubles mentaux, qui le
rattrapent cruellement dans l’Onde
Septimus. Mais il les surmonte magistralement et se paie même le luxe de sauver Londres d'une menace extra-terrestre !
Ces malheurs
particuliers, ses échecs répétés et le côté retors du personnage, amené parfois
à collaborer avec Blake et Mortimer (notamment à la fin du tome 2 des Sarcophages du 6e continent, ou Le Cri du Moloch),
font d’Olrik un personnage assez attachant pour le lecteur. Il n’est jamais
bêtement cruel, fait preuve de finesse et évite les meurtres gratuits. Il est
de fait un élément essentiel de cette saga, la face sombre et nécessaire de
l’univers créé par Jacobs.
Homme
charismatique s’il en est, Olrik bat aussi des records de présence, à la limite
du vraisemblable, dans les aventures des deux héros, qu’il affronte à chaque
album, sauf trois : le Piège
diabolique, le Serment des Cinq
Lords et Le testament de William S. Mais il avait dans tous les cas une bonne excuse : le pauvre
était en prison !
Pour finir, la
vie amoureuse d’Olrik semble encore plus vide que celle de Blake, ce qui n’est
pas peu dire. Il faut avouer à sa décharge que son agenda hyper-chargé de
« génie du Mal » ne lui laisse guère le temps de compter fleurette ou
de courir la gueuse.
Principaux thèmes :
Merveilles
et dangers de la Science
Pour
Jacobs et ses successeurs, la Science ne constitue en rien une menace par
elle-même. Elle n’est qu’un instrument au service de celui qui l’emploie, quelles
que soient ses intentions.
L’arme
nucléaire, par exemple, est LA solution qui permet aux gentils de l’emporter
sur les méchants, dans Le Secret de
l’Espadon ou Le Piège diabolique.
Dans ces deux albums, Mortimer déploie ses talents d’ingénieur pour diriger ou
retaper une centrale nucléaire, fabriquant des bombes atomiques de tout
calibre. Mais tant qu’il s’agit de pulvériser les vilains, où est le
problème ?
La civilisation
atlante imaginée par Jacobs (L’Enigme de
l’Atlantide), avec ses engins volants, ses rayons guérisseurs et ses
appareils d’exploration interplanétaire, constitue un sommet en matière de
« progrès », dans une vision idyllique et un peu kitsch du futur, tel
qu’on l’imaginait dans les années 1950.
Mais dans le
domaine de l’innovation scientifique, ce sont quand même les méchants qui
l’emportent : le gaz mortel GX3 des Jaunes (le Secret de l’Espadon), le télécéphaloscope de Jonathan Septimus (La Marque Jaune), le réseau de machines
à détraquer la météo et le chronoscaphe
de Georgevitch Miloch (SOS
Météores, Le Piège diabolique)…
Le record étant
battu par la dictature futuriste du « Guide Sublime » (Le Piège diabolique), avec ses disques
espions, ses techniques de manipulation mentale, ses robots volants de combat,
et surtout sa « Chose », une sorte de serpent de lave quasiment
invulnérable.
Nous pouvons également citer la bactérie
mortelle (d’origine extra-terrestre) du docteur Voronov (La Machination Voronov), la machine à voyager dans le Temps et
l’Espace du docteur Z’ong (L’étrange
rendez-vous), la maîtrise de l’énergie électrostatique et magnétique de
l’ « Empereur Açoka » qui permet entre autres à l’esprit de se
jouer de la matière (Les Sarcophages du 6e
continent)…
A mi-chemin du
Bien et du Mal, les robots multiformes du Professeur Sato (les Trois formules du Professeur Sato) sont l’illustration même du
principe de « neutralité morale » de la Science évoqué plus haut. Ainsi
le « Samourai » (terme japonais qui signifie « servir »),
robot cerbère, participe-t-il autant à la capture de Mortimer qu’à sa
libération. Il suffit d’utiliser le mot-clé qui convient !
Mais
globalement, un certain pessimisme ressort de la saga. Les nouvelles
technologies contribuent le plus souvent à la destruction de l’humanité (Le Piège diabolique, L’Etrange rendez-vous,
Le Sanctuaire du Gondwana…), tout simplement trop immature pour gérer
correctement ce que son cerveau peut produire, ou ce que la Nature met à sa
disposition.
Le
surnaturel : du
peu, mais du lourd…voire du lourdingue.
Nous entendons par
« surnaturel » tout ce qui relève de l’inexplicable par la science
humaine ou ce qui s’en rapproche. Sont donc exclus de ce champ, malgré leur
étrangeté apparente qui confine au merveilleux :
-les
raffinements de la civilisation atlante et le fameux « orichalque » (l’Enigme de l’Atlantide)
-le mystérieux
« sanctuaire » d’une autre civilisation perdue, celle du Gondwana (Le Sanctuaire du Gondwana).
-les
pouvoirs inquiétants de l’extra-terrestre dont l’engin est retrouvé enfoui dans
le sous-sol de Londres (l’Onde Septimus et Le Cri du Moloch)
Même si nous sommes aux frontières
du vraisemblable, notamment avec les ptérodactyles, la forêt carnivore et la
mer souterraine secouée de tempêtes de l’Enigme
de l’Atlantide, tout ceci relève d’une forme de science-fiction.
Que nous
reste-t-il ? Assez peu de choses en apparence, mais suffisamment
significatives pour que l’on s’y arrête.
Citons d’abord
le festival de magie orientale que nous offre Jacobs dans Le Mystère de la Grande Pyramide,
où le Cheikh Abdel Razek déploie des talents qui n’ont rien à voir
avec la science telle que nous l’entendons. Il brûle d’un geste de la main la
liasse de billets jetée avec mépris par Sharkey, donne à Mortimer un talisman
qui lui permet de repousser un naja, fait apparaître et disparaître des
crocodiles, hypnotise comme qui rigole Olrik et nos deux héros….Enfoncés, David
Copperfield et autres Mesmer !
Restons en
Orient, avec Sente et Juillard, pour goûter aux charmes de l’inexplicable.
Cette fois, c’est la prétendue réincarnation de l’Empereur Açoka qui nous en
met plein la vue à grands coups d’éclairs et de fumée colorée, de babouins
géants et autres « tu m’as vu, tu m’vois plus ! » (les Sarcophages du 6e continent).
Impressionnant, mais trop de poudre aux yeux finit par irriter.
Retenons ensuite un grand moment de mystique chrétienne à la sauce Indiana Jones et la dernière croisade, que nous devons à Jean Van
Hamme. Les 49e et 50e
planches de la Malédiction des Trente
deniers (tome 2) contiennent en effet un beau morceau de bravoure, avec la
réapparition de Judas et la foudre divine s’abattant sur l’affreux néonazi de
service. Sublime…ou totalement ridicule ?
Même hésitation, pour finir, avec les planches 37 à 44 du tome 2 de La Vallée des Immortels, où les auteurs nous refons le coup du fantastique qui s'avère être un "rêve", mais pas tant que ça finalement.
Même hésitation, pour finir, avec les planches 37 à 44 du tome 2 de La Vallée des Immortels, où les auteurs nous refons le coup du fantastique qui s'avère être un "rêve", mais pas tant que ça finalement.
Avec un peu de
recul, le surnaturel évoqué ici apparaît surtout comme une facilité des auteurs
pour faire avancer ou terminer une intrigue, planter un décor ou une ambiance.
De ce point de vue, le Mystère de la
Grande Pyramide l’emporte haut la main sur les autres tentatives de faire
intervenir le surnaturel dans les aventures de Blake et Mortimer. Mais on peut
préférer la simple suggestion fantastique si magnifiquement mise en scène de la
Marque jaune, au grand déballage
d’artifices dignes d’un spectacle de cabaret.
Voyages
dans le temps et dans l’espace.
Les
British Globe Trotters.
Contrairement à
leur père, Blake et Mortimer ont passé beaucoup de temps hors de leur patrie.
Les deux Britanniques sont les dignes continuateurs de Tintin, arpentant le
globe sans relâche, même si l’on peut distinguer de nettes différences en la matière entre la période jacobsienne et
la suivante.
Avec Jacobs en
effet, nos deux héros restent largement en Europe ou à proximité. Sur les 8
récits du père fondateur, deux ont pour cadre principal le Moyen-Orient (Golfe
persique et Egypte), un le Royaume-Uni (Londres essentiellement), trois la
France (Paris et sa région), un les Açores, domaine portugais, et le dernier le
Japon, voyage de loin le plus exotique. Un exotisme auquel a visiblement
succombé l’auteur, qui ne peut empêcher son érudition d’envahir le récit dans
le tome 1 des 3 formules du Professeur
Sato. Les « Ryus » (dragons légendaires), le théâtre Kabuki, la
température du saké, les citations poétiques, tout y passe…au détriment parfois
du rythme de l’histoire et d’une certaine vraisemblance.
L’ère
post-jacobsienne envoie par contre le duo aux quatre coins du Monde :
l’Union soviétique (Moscou, l'Oural), les Etats-Unis, la Belgique (Bruxelles, à
l’occasion de l’exposition universelle de 1958), l’Inde, l’Afrique du sud (pour
une courte escale), l’Antarctique, le Kenya, la Grèce et ses îles, le détroit de
Gibraltar, Venise, la Chine, Berlin…Le Royaume-Uni n’est pas oublié, puisqu’il apparaît au moins neuf fois sur dix récits, parcouru en long et en large, des côtes de la Manche à
l’Ecosse en passant par Liverpool. Les seuls espaces encore délaissés étant, à
l’heure où nous écrivons ces lignes, l’Amérique latine et l’Océanie.
Si l’on compile
les deux périodes, et en comptant toutes les escales de nos héros (y compris
celles qui ponctuent le voyage de Blake vers l’Egypte dans Le Mystère de la Grande pyramide), nous pouvons produire les
statistiques suivantes sur la base de 32 lieux d’aventures comme base de
calcul des pourcentages :
-l’Europe arrive
en tête (59% du total), avec 22 apparitions, dont 12 pour le Royaume-Uni. La
patrie de Jacobs, la Belgique, n’étant mentionnée que deux fois.
-L’Afrique du
Nord et la Moyen-Orient arrivent en seconde position : 12,5%
-L’Asie du sud
et de l’Est : 9,3%
-Afrique noire,
Amérique du Nord, Açores et Antarctique : 6,25% chacun.
L’obsession des souterrains.
A la suite d’une
chute dans un puits lors de son enfance, Edgar Pierre Jacobs a nourri une
fascination ambigüe pour les souterrains. Absolument tous ses récits en
contiennent au moins un. Le record étant atteint dans L’Enigme de l’Atlantide, dont 54 planches sur 62 ont pour cadre les
entrailles de la Terre. Domaine d’aventures et d’exploration, les souterrains
de Jacobs sont également des lieux menaçants. Ils peuvent certes être des
espaces de refuge, telle la base secrète du Ras Musandam (le Secret de l’Espadon) ou celle des rebelles en lutte contre le
Guide Sublime (le Piège diabolique).
Mais ce sont avant tout des endroits inquiétants plein de pièges :
horribles bestioles, crevasses, labyrinthes (le dédale des catacombes dans l’Affaire du collier), voire prison…le
Monde d’en-dessous est aussi un repaire idéal pour les méchants, qu’il s’agisse
du sinistre mastaba du « doktor » Grossgrabenstein (grande pierre
tombale, en français) dans la Grande
Pyramide, du laboratoire du professeur Septimus (la Marque jaune), de la station météo de Miloch (SOS météores), de l’antre secrète de ce
dernier sous le château de la Roche-Guyon (le
Piège diabolique), du bunker d’Olrik sous la rue Mouffetard (l’Affaire du collier) et des
installations du Professeur Sato récupérées par les bandits (Les 3 formules…).
Les successeurs
de Jacobs ont repris cette tradition, même si l’on peut objecter que les cinq
vignettes ayant pour décor une cave, dans
le Serment des cinq lords (p.15) ne pèsent pas bien lourd.
Voyages
dans le temps.
Féru d’Histoire,
tout comme ses continuateurs, Jacobs n’a cessé de transporter ses personnages
et ses lecteurs à travers les siècles. Sous les différentes formes que nous
allons présenter ci-dessous, au moins 8 récits sur 17, soit près de la moitié,
constituent des voyages dans le temps.
Néanmoins, seuls
deux albums contiennent, à proprement parler, des voyages temporels à la façon
inventée par Herbert George Wells à la fin du XIXe siècle.
Dans Le Piège diabolique, c’est l’affreux
Miloch qui invente le « chronoscaphe » et en fait don par testament à
son ennemi Mortimer. Il s’agit bien entendu d’une entourloupe, qui envoie le
professeur à différentes époques dont il aura bien du mal à se dépêtrer :
-la préhistoire
ou plus exactement l’ère du Crétacé, ce qui est l’idéal pour être assailli par
tous les monstres possibles
-le Moyen-Age,
en pleine « jacquerie » du milieu du XIVe siècle : c’est
l’occasion pour Jacobs d’assouvir sa passion pour cette époque en quelques
planches où s’accumulent les clichés des romans et films de chevalerie :
le méchant seigneur, la douce princesse, les gueux barbares et superstitieux,
traversée d’une salle en suspension à un lustre façon Errol Flynn dans Robin
des bois, etc…
-le futur, en
l’an 5060. Après un conflit nucléaire et bactériologique généralisé, l’humanité
(ou ce qu’il en reste) est retombée dans la barbarie. Mais une nouvelle
civilisation a fini par renaître, sous l’impulsion d’une poignée de
scientifiques dirigés par le « Guide Sublime ». Il s’agit hélas d’une
dictature totalitaire que combattent des rebelles mal dégrossis, eux-mêmes
menés par quelques membres de l’élite du système ayant rompu avec ce régime.
Avec l’aide de Mortimer, ces insoumis viendront à bout de leurs oppresseurs.
Cette histoire
post-apocalyptique est conforme aux stéréotypes du genre, que la
science-fiction des années de guerre froide a abondamment développés. C’est
également la partie la plus intéressante de l’album, notamment lors des
pérégrinations de Mortimer dans les souterrains de l’ancienne mégapole
parisienne. Jacobs y révèle son pessimisme quant au devenir de la civilisation
occidentale : déclin intellectuel (qui se manifeste par une orthographe
simplifiée jusqu’au grotesque), militaire (invasion venue de l’Est) et
finalement civilisationnel. Le passage au cours duquel Mortimer déclenche
accidentellement un film de propagande en relief fait allusion de manière ironique
aux discours sentencieux des dirigeants français lors de la débâcle de
1940 : « notre défense élastique », « nous vaincrons parce
que nous sommes les plus forts »…(p.32)
La morale de
l’Histoire, un peu convenue, tranche le débat lancé par deux inconnus discutant
près de Mortimer au début de l’album sur les mérites comparés du passé et du
futur. Finalement, et si « le bon temps » n’était autre que le
présent ?
Il faut attendre
l’Etrange rendez-vous, scénarisé par Van
Hamme, pour retrouver une autre machine à voyager dans le temps. Les voyageurs,
cette fois, viennent du futur, et plus précisément de 8061. Et ils ne sont pas
beaux à voir : d’horribles mutants à la peau verte et pustuleuse,
incapable de supporter la lumière du jour. C’est le résultat, là encore, d’une
guerre nucléaire survenue au 21e siècle. Mais après des millénaires
de régression, nos descendants ont réussi à « maîtriser la lumière »,
pour en tirer de l’énergie, puis la capacité de voyager dans le temps selon un
principe einsteinien assez complexe. Sous la houlette du docteur Z’ong, un
affreux nabot, ils ont entrepris de partir à la conquête de la Terre, du moins
celle du milieu du 20e siècle. Pour ce faire, les mutants
vindicatifs ont l’étrange idée d’aller « pêcher » dans le passé le
dictateur tibétain Basam Damdû et son état-major, flanqué de l’inévitable
Olrik. Auparavant, ils font quelques essais au hasard des époques pour capturer
quelques spécimens, dont, incroyable coïncidence, un ancêtre de Mortimer,
sous-officier britannique pendant la guerre d’Indépendance américaine !
C’est le retour
mystérieux de ce dernier dans les années cinquante qui mettra nos héros en
chasse, et fera échouer ce plan machiavélique.
Machiavélique,
mais assez débile quand on l’analyse de plus près. Il s’agit en effet de voler
des bombes à hydrogène aux Etats-Unis, puis de s’en servir pour soumettre par
chantage les gouvernements du Monde entier. Il aurait été mille fois plus simple
d’aller coloniser la Terre à l’époque des hommes préhistoriques, peu nombreux,
mal armés et faciles à subjuguer par une poignée d’hommes équipés d’engins
modernes. Sans parler des ressources naturelles encore intactes à la
disposition des envahisseurs !
Au final, un
album intéressant dans sa 1ere partie tant que plane le mystère,
dans une ambiance à la « X-Files », mais qui tourne au grotesque dès
que le pot aux roses est découvert. Dommage…
Une autre façon
de voyager dans le temps consiste à découvrir un espace coupé du Monde, où ont
été conservées des formes de vie et des civilisations que l’on croyait perdues.
C’est le cas dans l’Enigme de l’Atlantide,
où nos héros, à la façon des personnages de Jules Verne de Voyage au centre de la Terre vont non seulement découvrir les
Atlantes, mais aussi des ptérodactyles, des végétaux préhistoriques et un
royaume précolombien. On ne s’ennuie pas une seconde, mais une telle
accumulation pèche par son invraisemblance. Pourquoi diable ces Atlantes si
développés, avec pistolets à rayons et engins volants, n’ont-ils pas depuis
longtemps éliminé ou soumis ces « barbares » qui leur pourrissent la
vie aux confins de leur empire souterrain ? On sent ici que Jacobs s’est
fait plaisir au détriment de la rigueur scénaristique.
Plus
convaincants sont finalement les voyages dans le temps suggérés par les
auteurs, soit par des récits illustrés (le plus magistral et passionnant étant
délivré par le Cheikh Abdel Razek, à la fin du Mystère de la Grande Pyramide), soit par des « flashes
back » ou les souvenirs de tel ou tel personnage. Nous parcourons ainsi
l’immensité de l’Histoire, des lointaines origines de l’Humanité (le sanctuaire du Gondwana) au passé le
plus récent, comme celui, parfois douloureux, de nos héros (Les Sarcophages du 6e continent,
Le Serment des Cinq lords…)
Déguisement
et fausses identités
Le grand amateur de théâtre qu’était
Jacobs adorait les costumes et les déguisements. Il aimait aussi prendre la
pose devant un grand miroir, en tenue et arme au poing, afin de mieux saisir
une posture ou un geste pour peaufiner ses dessins.
La fausse
identité est aussi une constante de son œuvre, tant celle-ci peut constituer le
ressort essentiel d’un bon « coup de théâtre ».
Les deux
champions en la matière sont sans nul doute Blake et Olrik. Mortimer suit le mouvement,
mais uniquement sous la pression d’une nécessité immédiate : on le voit
ainsi en uniforme de tankiste jaune, puis en indigène baloutche dans le Secret de l’Espadon. Sa défroque
ridicule de prêtre « barbare » précolombien lui pèse visiblement dans
l’Enigme de l’Atlantide :
« Devrons-nous encore longtemps faire ces pitreries ? » se
plaint-il auprès du Prince Icare, pareillement costumé…avant de s’étaler
magnifiquement sous les yeux des méchants et de perdre son masque (p.52).
Frégoli, ce n’est pas lui ! La seule substitution d’identité vraiment
réussie de Mortimer sera due au hasard et à la science (voir plus loin).
Son ami Blake est autrement plus
doué. Il le prouve dès le Secret de
l’Espadon, où son déguisement de mendiant lui permet de s’approcher du lieu
de détention de Mortimer à Karachi. Dans le récit suivant, le capitaine endosse
les habits d’un autre indigène, égyptien celui-là, ouvrier sur le chantier de
fouille de Grossgrabenstein. Mais Jacobs arrête là les exploits déguisés de
Blake, qui ne reprennent que dans la période post-jacobsienne.
Dans l’Affaire Francis Blake, le capitaine ne
se déguise pas vraiment, mais joue les agents doubles afin d’infiltrer
l’organisation d’espionnage à laquelle appartient Olrik. Le festival des
postiches et des fausses identités
reprend de plus belle dans La
Machination Voronov, où Blake, en mission à Moscou, se fait passer pour
l’assistant de Mortimer, puis pour un colonel soviétique afin de libérer la
belle Nastasia Wardynska, détenue dans les geôles de la Loubianka. L’infâme
Olrik, informé de la ruse par une trahison, rend un hommage appuyé à son
adversaire : « Très fort, ce Blake ! Des faux papiers
impeccables, un uniforme sans erreur et…quel talent de comédien ! »
(p.24).
Mais place maintenant au roi du
déguisement : Olrik !
Le méchant, par
définition, aime les coups tordus et les faux semblants. Le colonel le prouve
dès le Secret de l’Espadon, où il
s’infiltre dans un convoi de prisonniers des Jaunes sous la fausse identité
d’un ingénieur atomiste, afin d’être libéré par les Britanniques et de
rejoindre leur base secrète du détroit d’Ormuz. Là, il se livre à une autre
substitution d’identité, prenant celle d’un agent de sécurité, ce qui lui
permet de parcourir la base pour semer partout des charges explosives. Ceci
donne lieu à une mémorable course-poursuite avec Blake, jusqu’au fond de la
mer…
Rebelote dans le Secret de la Grande Pyramide, aux
frais du « doktor Grossgrabenstein », égyptologue farfelu. Il se
déguise à nouveau en guide portugais dans l’Enigme
de l’Atlantide, en homme d’affaires suédois dans SOS météores, en ouvrier dans l’Affaire
du collier…Cela se calme un peu dans les récits post-jacobsiens, à la
notable exception du Sanctuaire du
Gondwana, qui fait suite directe aux Sarcophages
du 6e continent. On y apprend qu’à l’issue de ce dernier album,
ce sont carrément les esprits d’Olrik et de Mortimer qui ont échangé leurs
corps !
Cela donne lieu
à une situation assez intéressante, quoique classique, une sorte de
« Volte-face », la chirurgie esthétique et John Woo mis à part.
Contenu
idéologique : d’un conservatisme prudent au « politiquement
correct ».
Edgar Pierre Jacobs n’était pas un
gauchiste, mais un libéral-conservateur bon teint. Toute forme de totalitarisme
lui faisait horreur, ainsi que les révoltes incontrôlées, synonymes de
barbarie.
Le fascisme
n’était pas la tasse de thé de Jacobs : il le dénonce franchement, sous la
forme de l’Empire jaune dans Le Secret de
l’Espadon, de manière plus subtile dans L’Enigme
de l’Atlantide, avec le complot de l’infâme Magon, dont les partisans
arborent un brassard au « soleil noir » qui évoque irrésistiblement
la symbolique nazie. Mais tirer sur ce genre d’idéologie, après la défaite de
l’Axe, n’était pas franchement risqué.
Plus dangereux,
du vivant de Jacobs, est de s’en prendre au « péril rouge », compte
tenu du poids du parti communiste en Belgique et en France. L’auteur se
contentera donc d’allusions transparentes, mais jamais nominatives, notamment
dans SOS Mététores et Le Piège diabolique.
Sa méfiance
envers les mouvements de foule transparaît surtout dans ce dernier album, qu’il
s’agisse de la « Jacquerie » médiévale ou de l’attitude passablement
stupide des « assujettis » de l’an 5060.
De toute
évidence, une monarchie bonhomme, de préférence parlementaire, constitue le
régime de choix de Jacobs, qui en fait l’apologie dans La Marque jaune, avec un vibrant « God save the Queen ! »
(avant-dernière vignette). Le bienveillant Basileus régnant sur l’Atlantide, ou
le sage Focas du Piège Diabolique,
incarnent une société idéale ou le pouvoir revient de droit à ceux qui le
méritent vraiment, par leurs compétences et leur noblesse de cœur. Le petit
peuple des braves gens, tel que le chauffeur de taxi Ernest Buisson (SOS météores) ou le vaillant sergent
Mac (Le Secret de l’Espadon, Le serment
des cinq lords), bourru mais bon cœur, a toute sa place pour les tâches
manuelles, mais sait aussi faire preuve de respect ou de dévouement pour les
élites intellectuelles.
Les successeurs
de Jacobs expriment quant à eux un « politiquement correct » en béton
armé : exaltation du libéralisme et de la construction européenne,
dénonciation du régime soviétique (La
Machination Voronov) et du colonialisme (Les Sarcophages du 6e continent), sans oublier
l’épouvantail fasciste (La Malédiction
des Trente Deniers). Tout y passe, et sans beaucoup plus de courage que
leur illustre prédécesseur, puisque les faits dénoncés sont périmés depuis des
lustres ! Pour faire bon poids, il faut aussi ajouter des femmes (voir
plus loin) et des représentants des « minorités visibles ».
Celles-ci
n’étaient certes pas inexistantes dans les albums jacobsiens, mais paraissaient
au départ réduites à des rôles mineurs, fleurant bon le colonialisme et un
racisme paternaliste, tel le « brave Nasir » (voir la galerie de
portraits) ou « le pauvre Abbas » (le Mystère de la Grande pyramide). On objectera que dès Le Mystère de la Grande Pyramide, Jacobs
corrige le tir en mettant en scène un Arabe cultivé et plus cartésien que
Mortimer, sous les traits du professeur Rassim Bey. Dans le même récit, le
commissaire Kamal passe pour un flic borné, mais ni plus ni moins que son
homologue britannique Kendall dans La
Marque jaune. Jacobs lui-même, décolonisation oblige, fait disparaître le
« fidèle Nasir » après cet album. Il faut attendre les 3 formules du Professeur Sato pour
que des Non-Européens jouent un rôle significatif dans l’histoire, sans que l’on
puisse déceler chez l’auteur autre chose qu’une grande fascination pour la
culture japonaise.
Néanmoins, il
est incontestable que les « méchants de service » ont presque tous le
même type physique : nez en bec d’aigle, cheveux noirs, teint mat…cliché
de l’époque sans doute, car ces traits méphistophéliques sont une constante des
représentations judéo-chrétiennes. Mais nos modernes censeurs y verront
sûrement une insupportable connotation antisémite.
Les successeurs
de Jacobs vont tout faire pour échapper aux foudres de l’antiracisme
militant : dès La Machination
Voronov, Mortimer se voit flanqué d’un assistant d’origine maghrébine,
Driss Alaoui, qui défend vaillamment le laboratoire de son patron contre
l’infâme Olrik. Dans l’Etrange
rendez-vous, c’est une Amérindienne, Jessie Wingo, qui vient remplir
commodément la case « femme+minorité ». Les Indiens (d’Inde) occupent
une place de choix dans Les Sarcophages
du 6e continent, sans oublier un Congolais présent à
l’exposition universelle de Bruxelles en 1958. Nasir lui-même prend du
galon : le sergent un peu rustaud de l’ex-armée des Indes est devenu
lieutenant dans les services secrets de l’Union indienne, auquel nos deux héros
donnent désormais du « vous ».
Mais il se
trouva quand même des grincheux pour reprocher à Van Hamme d’avoir fait
renaître Basam Damdu dans l’Etrange
rendez-vous, et d’employer le mot « jaune » : bouh, le
vilain raciste anti-asiatique ! Grave délit corrigé dans Le bâton de Plutarque, un
« prequel » qui rend hommage au capitaine Hasso, agent tibétain au
service des Britanniques infiltré dans l’état-major de l’armée jaune.
La
place des femmes : de l’absence quasi-totale à une présence quelque peu
artificielle.
Cherchez la
femme ! Cette expression est à prendre au sens propre dans les albums de
la période jacobsienne. De fait, aucune figure féminine marquante n’apparaît au
cours des huit premiers récits de la série. Trois femmes seulement arrivent à placer plus d’une
réplique, et à figurer dans plus d’une vignette :
-deux
« maîtresses de maison » : Mrs Benson, logeuse de nos héros dans
La Marque jaune, et Catherine, domestique
du professeur Labrousse dans SOS Météores)
-une princesse un
peu nunuche à sauver (Damoiselle Agnès, dans Le Piège diabolique).
Un tel sexisme
devenant intolérable à notre époque, les auteurs post-jacobsiens se sont
empressés d’atteindre une sorte de parité. Les femmes arrivent en force à
partir de l’Affaire Francis Blake,
dans des rôles de plus en plus valorisants. Dans ce dernier album, le
personnage de Virginia Campbell constitue un tournant. Agent dormant au service
du Capitaine Blake, elle est la fois séduisante, intelligente et habile. C’est
elle qui éclaire la lanterne d’un Mortimer passablement paumé, et lui permet
d’accomplir ce que son ami attend de lui.
Désormais, il y
aura au moins une femme importante dans presque tous les albums :
-la gentille
Nastasia et la perfide Miss Sneek dans La
Machination Voronov
-Jessie
Wingo, héroïque et efficace agent du FBI dans L’Etrange rendez-vous.
-La princesse
Gita, figure centrale des deux tomes des Sarcophages.
-Mrs Summertown,
qui fait une brève apparition dans le récit qui précède, revient en force, avec
Nastasia, dans Le Sanctuaire du Gondwana.
Son importance dans la vie sentimentale de Mortimer n’y a d’égale que sa
capacité à faire avancer l’histoire.
-Eleni
Philippidès, tout charmante qu’elle puisse être, gâche un peu ce replâtrage
féministe dans La Malédiction des trente
deniers. Plutôt peste avec son fiancé, elle se révèle assez gourde face aux
épreuves, et va même trahir nos héros–sous contrainte il est vrai. Heureusement
que Jessie reprend du service pour éviter à nos auteurs un procès en
machisme !
-Elizabeth Mac Kenzie, fille de Sarah Summertown, seconde efficacement Mortimer dans Le testament de William S.
-Miss Ylang-Ti, agente des services secrets nationalistes chinois, dans La Vallée des Immortels, en fait autant avec Blake.
-Elizabeth Mac Kenzie, fille de Sarah Summertown, seconde efficacement Mortimer dans Le testament de William S.
-Miss Ylang-Ti, agente des services secrets nationalistes chinois, dans La Vallée des Immortels, en fait autant avec Blake.
-Olga Mandesltam, archéologue soviétique, donne un précieux coup de main à Mortimer dans Huit heures à Berlin, tandis que l'actrice est-allemande Krista Hagen en fait autant avec Blake.
C’est en fait
dans des rôles de « méchantes » ou de conspiratrices que les femmes
prennent vraiment de la valeur au fil des albums suivants : Lisa Pantry (Le Serment des cinq lords), Lady Rowana
ou Miss Lilly Sing (L’onde Septimus)
ont un charisme que seule la Princesse Gita, avant elles, avait pu réellement
montrer. A noter que les plus intéressantes d’entre elles ne basculent pas du
côté obscur pour le seul appât du gain, mais du fait d’une passion, ou pour
accomplir une vengeance. Un cas de figure classique venu tout droit de la
tragédie grecque !
Seules exceptions, qui aurait pu valoir aux auteurs les foudres néo-féministes :
-le Bâton de Plutarque ne contient guère de femmes intéressantes, et
l’on ne saurait se contenter du personnage de Mrs Benson en veuve éplorée pour
faire illusion !
- Le Dernier Espadon : Marge Morrison, sergent-secrétaire au service de Blake, va glaner des renseignements en couchant auprès d'hommes plus jeunes qu'elle. Ce n'est pas très reluisant !
Un
monde d’adultes, d’où les enfants et les animaux sont quasiment exclus.
Si l’on compare cette série avec
d’autres classiques de la BD franco-belge, c’est une évidence qui saute aux
yeux : amis des enfants et des animaux, passez votre chemin ! Jacobs,
profondément adulte, ne met pas un seul gamin en scène dans ses histoires, à la
seule exception des deux petits braconniers médiévaux que Mortimer vient sauver
dans Le Piège diabolique. Quant aux
animaux, ils se divisent en deux catégories :
-les
utilitaires, genre chevaux, mulets, etc…dont la seule vocation est de
transporter nos héros.
-Les
nuisibles, ayant pour tâche de pourrir la vie de Blake et Mortimer, et de
pimenter leurs péripéties. La plupart sont des bêtes sauvages (notamment les
serpents et les crocodiles du Mystère de
la Grande Pyramide), auxquelles ont peut ajouter Eblis (ou Iblis, qui et
l’un des noms de Satan), le dogue de Sadi, un homme de main d’Olrik (SOS météores).
Les successeurs
de Jacobs ne vont pas changer grand-chose à tout cela, en tout cas pour les
animaux. Ils vont néanmoins faire intervenir quelques gosses, porteurs malgré
eux d’un virus mortel que leur a refilé l’infâme Voronov (La Machination Voronov).C’est aussi un petit berger grec –et son
chien- qui met au jour la piste menant aux « trente deniers » de
Judas (La malédiction des trente
deniers). On ne saurait non plus négliger les récits de jeunesse des
différents protagonistes, de Blake et Mortimer eux-mêmes aux enfants Lawless (Le serment des cinq lords), mettent en
scène des enfants et adolescents à des moments décisifs de leur vie. Toutefois,
il ne s’agit là que de mieux comprendre leurs actions ultérieures, et non de se
complaire dans les portraits d’éternels gamins.
Et
l’humour, là-dedans ?
Les amateurs de gags et de grosses
poilades ne sont pas gâtés non plus. Jacobs pratique un humour très distancié,
plus flamand que britannique. Seuls trois exemples sautent aux yeux du
lecteur :
-l’ombre portée
d’Abdul, l’assistant du professeur Rassim Bey, auquel son bandage sur le crâne
donne des oreilles d’âne (Le mystère de
la Grande pyramide).
-l’hilarité que
suscite chez les complices de Sharkey, acolyte d’Olrik, le signalement de
celui-ci donné par la radio dans SOS
météores. Ledit Sharkey, dont nous reparlerons plus loin, est en effet le
seul personnage susceptible d’entraîner quelques effets comiques.
-dans le même
album, le gaz employé par Miloch, qui se répand sur l’agglomération parisienne
sous la forme d’une brume orangée, cause chez ceux qui le respirent une sorte
de délire grotesque.
A la rigueur, on
peut admettre que toute l’intrigue de l’Affaire
du collier –qui ne fait guère de victimes, sauf pour une poignée de
bandits- relève davantage de la comédie qu’autre chose, aussi bien dans son
déroulement que dans sa chute. Mais c’est aussi, et de loin à mon sens, l’album
le moins réussi du Maître.
La période
post-jacobsienne apparaît encore plus sérieuse, la seule exception confirmant
la règle pouvant être trouvée dans le combat final des 3 formules du professeur Sato, lorsque les méchants lâchent une
horde de robots mal formés sur les forces de police japonaises. Le côté délirant
de la scène avait d’ailleurs été prévu par Jacobs lui-même (et finalement
dessiné par Bob de Moor), à l’instar des figures ectoplasmiques qui
apparaissent à Mortimer dans le Piège
diabolique.
En fait
d’humour, les continuateurs de Jacobs ont plutôt multiplié les clins d’œil, à
l’intention de lecteurs avertis : apparition de célébrités comme John Lennon
dans un concert de patronage (la
Machination Voronov), Gandhi (les
Sarcophages du 6e continent), Winston Churchill (L’onde Septimus, le bâton de Plutarque) ou
de diverses connaissances des auteurs dans tels ou tels rôles plus ou moins
mineurs.
Plus subtiles et
bien trouvées, les quelques vignettes du Sanctuaire
du Gondwana (pages 19 et 20 de l’édition 2008) qui font référence à la
célèbre intrusion de la Marque jaune au
99 bis Park Lane. Il en est de même dans Le testament de William S, où apparaissent le Capitaine Haddock (p.10) et le fétiche arumbaya de l'Oreille Cassée (p.24).
Quelques
boulettes scénaristiques.
Il ne s’agit pas
ici de traquer, comme le font les maniaques, l’absence ou la présence de tel ou
tel bouton de col, mais de pointer les grosses bévues et invraisemblances
historiques. Force est de constater que la rigueur de Jacobs et de ses
disciples ne nous laisse guère de grain à moudre ! Il est pourtant
possible de pointer trois énormités dans les albums suivants :
-La Marque jaune : le chef-d’œuvre
de Jacobs contient en effet une aberration extraordinaire. On y apprend que
« Guinea Pig », le cobaye de Septimus, a été récupéré par ce dernier au
Soudan britannique dans l’entre-deux guerres. Le pauvre type n’est autre
qu’Olrik, victime de la malédiction du Cheikh Abdel Razek à la fin de l’album
précédent. Mais ce même album est censé se dérouler après la 2e Guerre mondiale (et même la 3e,
si l’on compte celle des Jaunes). Pourquoi diable le Cheikh se serait-il amusé
à l’envoyer dans le passé ? Ce qui pose d’ailleurs un étrange paradoxe
spatio-temporel, puisque l’on se retrouve avec deux Olrik en même temps !
Car tandis que le fourbe colonel commençait sa carrière d’espion, son double
–plus âgé- errait dans le désert avant de servir d’homme de main à un savant
fou…une histoire de fous ! D’autant plus incroyable que personne
jusqu’ici, à ma connaissance, n’a jugé bon de lever ce lièvre d’un poids
considérable.
-L’Enigme de l’Atlantide : contient
deux erreurs géographiques : l’une portant sur la topographie de l’île de
Sao Miguel, dans les Açores, dont l’aérodrome (devenu depuis aéroport) n’est
pas à Sant’Ana, mais à Ponta Delgada. Plus énorme, sur la carte présentée à nos
héros par le Prince Icare, l’Amérique du Sud a pris la place de l’Amérique du
Nord. L’auteur de ces lignes fut tellement choqué par cette erreur
(horreur !) qu’il corrigea soigneusement la faute sur l’album.
-Le
Bâton de Plutarque : Evidemment, les avions à réaction
allemands et britanniques qui sillonnent le ciel de cette histoire n’étaient
pas aussi perfectionnés en 1944, mais là n’est pas le problème. La grosse
bourde historique surgit lorsque l’on voit des avions italiens aux cocardes
fascistes en mission sur Gibraltar au printemps 1944. A cette date, le régime
mussolinien n’existait plus que dans le nord de l’Italie (la République Sociale
Italienne, dite de « Salo »), simple marionnette des Allemands, et ne
disposait que de faibles moyens. Les Alliés, à cette date, contrôlaient
largement la Méditerranée et ne redoutaient aucune attaque sur Gibraltar.
-La Vallée des Immortels, tome 2, planche 53 : l'Aile Rouge III pilotée par nos héros est censée semer des "chasseurs communistes", qui sont en fait, d'après la vignette, les avions du seigneur de la Guerre Xi-Li. Des avions (P51 Mustang) dont la présence même, en ces lieux et en de telles mains, est franchement invraisemblable.
-La Vallée des Immortels, tome 2, planche 53 : l'Aile Rouge III pilotée par nos héros est censée semer des "chasseurs communistes", qui sont en fait, d'après la vignette, les avions du seigneur de la Guerre Xi-Li. Des avions (P51 Mustang) dont la présence même, en ces lieux et en de telles mains, est franchement invraisemblable.
Les
bons et les méchants : un festival d’archétypes
Comme pour les autres séries
traitées dans les Monuments de la BD
franco-belge, je ne mentionnerai ici que les personnages apparaissant dans
plus d’un récit, et ce par ordre d’apparition.
Les
bons :
-Zhang Hasso (Le Secret de l’Espadon, le Bâton
de Plutarque)
Linguiste
tibétain ayant fui la dictature de Basam Damdu, Zhang Hasso fait une brève
carrière d’agent double au bénéfice des Services secrets britanniques, bien
qu’Olrik l’ait en apparence « retourné ». Promu capitaine dans
l’armée jaune, Hasso est le 1er à prévenir l’Occident, via le
capitaine Blake, de l’imminence de l’offensive ennemie. Ce geste lui vaudra
d’être abattu par Olrik.
-Nasir (Le Secret de l’Espadon, Le
Mystère de la Grande Pyramide, La Marque Jaune, Les sarcophages du 6e
continent, L’Onde Septimus, La Vallée des Immortels, Le Dernier Espadon.)
Ahmed Nasir est
sergent au 5e bataillon du « Makran Levy Corps », une
troupe supplétive de l’Empire britannique des Indes, lorsqu’il fait la
connaissance de Blake et Mortimer. Il sauve ceux-ci d’une embuscade tendue par
Olrik, et ne cessera par la suite de leur rendre service. Grand, barbe et
cheveux noirs, teint mat, voix grave : Nasir incarne une certaine majesté
orientale, un fier guerrier d’une fidélité à toute épreuve. Toujours coiffé de
son turban, à la façon des Sikhs, Nasir est de confession musulmane. Il est aussi
très bien renseigné, puisqu’il salue le capitaine Blake par son nom et son
grade dès leur première rencontre, alors qu'ils ne s'étaient jamais rencontrés auparavant !
Ses relations
avec Blake et Mortimer ont souvent donné matière à commentaire sur l’idéologie
colonialiste. Si nos deux héros le vouvoient dans la première vignette qu’ils
partagent, Blake passe au tutoiement dès que les présentations ont été faites.
Nasir sera le subordonné de nos amis, devenant même le domestique et garde du
corps du professeur Mortimer dans ses aventures égyptiennes et londoniennes. Le
vaillant guerrier du Makran se transforme ainsi en Nestor de choc, entre 1946
et 1953. Cela ne devait guère lui convenir, puisqu’il quittera son
« maître » après cela pour rejoindre les services secrets indiens et
prendre du galon. Lorsqu’il retrouve nos héros, cinq ans plus tard à Bruxelles,
c’est un lieutenant que l’on ne tutoie plus.
-L’inspecteur Glenn
Kendall.
(La Marque jaune, l’Affaire Francis Blake, la Machination Voronov)
Kendall, de
Scotland Yard, est l’archétype du flic dont la littérature et la BD classiques
aiment à se moquer depuis la fin du XIXe siècle. Bourru et sans grande
imagination, Glenn Kendall fait consciencieusement son travail, mais n’a rien
d’un Sherlock Holmes, contrairement à sa réputation de « fin limier »
vantée par Blake. Les « puissants » auxquels il a affaire (le Juge
Calvin, le professeur Septimus) se gaussent volontiers de lui. Mais à la fin,
c’est le brave inspecteur qui triomphe…grâce à nos héros, bien sûr !
-Le professeur
Labrousse
(SOS Météores, Les Sarcophages du 6e continent)
C’est un peu
l’alter ego français de Mortimer : barbu, appréciant la bonne chère,
vivant chez une logeuse qui lui fait la cuisine (« un vrai cordon
bleu », de l’avis de Mortimer). Directeur de la Météorologie Nationale,
Labrousse est aussi un inventeur de génie : son « subglacior »,
un sous-marin capable de se faufiler à travers la banquise, évoque
irrésistiblement le mini-sous-marin du professeur Tournesol dans le trésor de Rackham le rouge. Moins
batailleur que Mortimer, Labrousse n’en est pas moins courageux, puisqu’il
tient tête à un molosse à l’aide son parapluie, puis refuse de parler sous les
coups d’une brute telle que Sharkey (voir plus loin)
-Le commissaire Pradier (SOS météores, l’Affaire du
Collier, le Dernier Espadon)
Version
française de Kendall, en moins ridicule et surtout plus gradé, puisqu’il est
commissaire divisionnaire à la DST. Son physique et certaines attitudes sont
directement inspirés de Jean Gabin, ce qui donne un côté à la fois très
authentique et délicieusement rétro aux aventures parisiennes de nos amis.
-David Honeychurch (l’Affaire Francis Blake, La
Machination Voronov, le Serment des cinq lords, Le Dernier Espadon)
Adjoint de
Francis Blake, suffisamment fiable pour être impliqué dans certaines combines
tordues, ce personnage ne brille pas pour autant par son charisme.
-Nastasia Wardynska (la Machination Voronov, le
Sanctuaire du Gondwana)
La belle blonde
de service, mais également tête bien faite, puisqu’elle est aussi une brillante
scientifique russe. C’est elle qui dénonce les projets criminels de Voronov, un
nostalgique de Staline. Et c’est pour elle que Blake va prendre tous les
risques afin de l’arracher aux sinistres geôles de la Loubianka.
-Jeronimo Ramirez (l’Etrange Rendez-vous, les
Sarcophages du 6e continent)
Scientifique
excentrique, dont on ne sait trop s’il est génial ou timbré, Ramirez est un
physicien nucléaire qui se découvre sur le tard une vocation pacifiste. Un
personnage intéressant, mais insuffisamment fouillé et qui ne laisse pas un
souvenir impérissable.
-Jessie Wingo (l’Etrange Rendez-vous, la
Malédiction des trente deniers)
Jolie brune
souriante, portant des nattes pour faire comprendre au lecteur lambda qu’elle
est d’origine amérindienne, Jessie Wingo est quasiment la femme parfaite :
intelligente, courageuse, sportive et débrouillarde. Mortimer semble conquis. Mais
fait-elle bien la cuisine ?
-Sarah Summertown (l’Etrange Rendez-vous, le
Sanctuaire du Gondwana, le Testament de William S)
Le premier vrai
amour –consommé- de Philip Mortimer, qui a neuf ans de moins qu’elle. Cette
brune pétillante, archéologue de profession, a mis d’elle-même un terme à leur
liaison à cause de la jeunesse de notre héros au moment où se nouait leur
idylle. Sente et Juillard laissent entendre qu’elle était en fait enceinte de
notre ami, et qu’elle a préféré le quitter sans lui avouer son état, avant
d’épouser un homme plus âgé. Sa fille Elizabeth est donc celle de Mortimer.
C’est une Sarah grisonnante mais toujours dynamique qui accompagnera nos héros
dans la brousse africaine, à la recherche d’une civilisation perdue, puis dans la recherche d'un précieux manuscrit shakespearien.
Les
méchants :
-Basam Damdû (Le Secret de l’Espadon, l’Etrange
Rendez-vous)
« L’Empereur
du Pic de l’Est », entre autres appellations ronflantes, est une sorte de
Kim Il Sung mâtiné d’Adolf Hitler, sans toutefois véhiculer une idéologie bien
précise. Ce dictateur mégalomane a pris le pouvoir au Tibet, dont il a fait une
superpuissance militaire pour le lancer à la conquête du Monde. Le personnage
est tellement déplaisant et caricatural qu’Olrik –qu’il suspecte à juste titre
de comploter contre lui- apparaît par contraste infiniment sympathique. En
principe pulvérisé par une bombe nucléaire dans son palais de Lhassa, le
dictateur fou revient par miracle quelques années plus tard, par la grâce d’un
scénario mal ficelé. Il disparaît à nouveau dans les brumes de l’espace-temps,
ce qui peut laisser craindre (ou espérer) un « come-back » moins
calamiteux dans une histoire à venir.
-Razul, le Bezendjas (Le Secret de l’Espadon, Le
mystère de la Grande Pyramide, le Sanctuaire du Gondwana, Le Dernier Espadon)
Originaire de la
même région que Nasir (les confins du Pakistan et de l’Iran), mais d’une autre
tribu, Razul (que l’on ne surnommera plus que le « Bezendjas », du
nom de sa tribu de mauvaise réputation), est à Olrik ce que Nasir est à Blake
et Mortimer, version sombre. Plutôt veule,
mais habile et fidèle à son maître, Razul lui sauve la vie et le suivra après
la 3e guerre mondiale dans sa carrière de bandit. Il est cependant
lâché par Olrik en Egypte, qui le retrouvera quelques années plus tard en
Afrique orientale. Les retrouvailles ne sont pas franchement chaleureuses, mais
le Bezendjas rempile quand même à ses côté…ce qui ne lui portera pas bonheur.
-Sharkey (presque
tous les albums de Jacobs à partir du Mystère
de la Grande Pyramide, sauf l’Enigme
de l’Atlantide)
Inspiré au physique par l’acteur
américain James Cagney, spécialisé dans les rôles de brute des films noirs,
Sharkey est effectivement aussi brutal et stupide que son apparence de gorille
le laisse croire. Il est l’homme de main idéal d’Olrik, plus par son dévouement
que par son intelligence. Le génie du Mal n’a d’ailleurs aucun scrupule à le
laisser choir lorsque la situation l’exige, mais ce crétin doit avoir une bonne
étoile qui veille sur lui, car il parvient toujours à s’évader pour reprendre
du service. Contrairement à Razul, il n’en veut jamais au « patron ».
-Youssef (Le Mystère de la Grande Pyramide,
le Sanctuaire du Gondwana)
Antiquaire et
escroc cairote, Youssef tient une boutique miteuse dans laquelle il tentera de
piéger Mortimer. Cauteleux et vicieux, il s’échappera de prison comme le
Bezendjas et reviendra prêter main forte à Olrik.
-Jack (Le Mystère de la Grande Pyramide,
l’Affaire Francis Blake, la Malédiction des trente deniers)
Qualifié de
« grenouille » par Blake lors de leur 1ere rencontre, à cause de ses
grosses lunettes, Jack n’est effectivement pas gâté par son physique :
cheveux blonds filasses que l’on devine gras, visage empâté, yeux globuleux et
sourire sadique. Il préfigure nettement le répugnant gestapiste qui apparaîtra
trente ans plus tard dans le 1er opus d’Indiana Jones. C’est également un sous-fifre d’Olrik, peu rancunier
et abonné à la case prison en fin d’album.
-Jonathan Septimus (La Marque jaune,
l’Onde Septimus)
Archétype du
savant fou, vaniteux et obsédé par son génie, Jonathan Septimus est l’inventeur
de l’Onde Méga, qui lui permet de contrôler à distance un être humain et de le
doter de pouvoirs extraordinaire. C’est incontestablement, après Olrik, le
« grand méchant » le plus réussi de la série. Jacobs a parfaitement
rendu ses mimiques, ses sautes d’humeur et son humanité : Septimus, au
fond, n’est devenu mauvais que par l’incompréhension et l’intolérance de ses
semblables. Son action vengeresse, si elle n’est pas justifiable, se comprend
néanmoins et échappe à la médiocrité du criminel ordinaire. Désintégré par
l’une de ses machines, Septimus revient sous la forme d’un clone émis par une
entité extraterrestre. Idée amusante, mais la copie ne vaut pas l’original.
-Georgevitch Miloch (SOS Météores, le Piège diabolique)
Le deuxième
savant fou de la saga, mais nettement moins frappé que Septimus. Sosie de
l’écrivain américain Arthur Miller, Miloch travaille pour une mystérieuse
puissance hostile qui ressemble furieusement à l’URSS. C’est lui qui dirige la
station secrète située près de Paris, dont les appareils détraquent le temps
afin de favoriser une invasion de l’Europe occidentale. Laissé pour mort dans
sa base en flammes, ce triste sire veut ensuite prendre sa revanche en léguant
à Mortimer une machine à remonter le temps sabotée. Le génial inventeur du
« chronoscaphe » mourra d’un cancer causé par les radiations de ses
engins de mort.
-Le major Varitch (la Machination
Voronov, Les Sarcophages du 6e continent)
Le plus
insignifiant des sous-fifres. Cet officier soviétique sans scrupules, après
avoir conspiré avec l’affreux Voronov, se met au service d’Açoka, guignol
déjanté mais scientifiquement en pointe. Il joue certes un rôle essentiel dans
les plans de ce dernier, mais le personnage reste des plus fades. Il se fait
tuer en affrontant Blake.
Conclusion provisoire
:
Provisoire en
effet, car l’exploitation du filon « Blake et Mortimer » par une
cohorte d’auteurs talentueux laisse à penser que la saga est loin d’être
terminée. Contrairement à ce que j’ai pu écrire sur Alix ou Buck Danny, cette
perspective ne me désole pas. Les continuateurs de Jacobs, s’ils n’ont pu
surpasser le maître, ne sont pas à mon sens indignes de lui, comme le prouvent les
notes attribuées plus loin aux récits parus à ce jour (soit décembre 2022), qui ne sont pas déshonorantes. Ils ont
su respecter son œuvre tout en l’enrichissant. Néanmoins, leur marge de
manœuvre est de plus en plus réduite, à mesure que se comblent les vides de la
période 1944-1971. On peut se prendre à imaginer ce que donnerait une poursuite
de la série dans les années 1970, avec des Blake et Mortimer vieillissants face
à un monde qui leur serait de plus en plus étranger.
Mais comme ils diraient
eux-mêmes : « Wait and see ! »
Notation
subjective des récits :
-Le
Secret de l’Espadon : 8/10.
-Le Mystère de la Grande Pyramide : 9/10.
-La Marque jaune : 10/10.
-L’Enigme
de l’Atlantide : 9/10.
-SOS météores : 9/10.
-Le Piège diabolique : 9/10.
-L’Affaire
du collier : 6/10.
-Les 3 formules du professeur Sato : 7/10.
-L’affaire
Francis Blake : 6/10.
-La Machination Voronov : 6/10.
-L’Etrange
Rendez-vous : 6/10.
-Les
Sarcophages du 6e continent : 6/10.
-Le Sanctuaire du Gondwana : 7/10.
-La
malédiction des trente deniers : 6/10.
-Le serment des cinq lords : 8/10.
-L’onde Septimus : 7/10.
-Le bâton de Plutarque : 8/10.
-Le Testament de William S: 5/10.
-La Vallée des Immortels : 6/10
-Le Testament de William S: 5/10.
-La Vallée des Immortels : 6/10
-Le Cri du Moloch : 7/10
-Le Dernier Espadon : 6/10
-Huit heures à Berlin : 8/10
Test :
connaissez-vous vraiment « Blake
et Mortimer » ?
1) Dans
le Secret de l’Espadon, quel est le
cri de guerre des pilotes jaunes ?
a) A
l’assaut !
b) A
Lhassa !
c) Sah !
2) Dans
le même récit, comment s’appelle le scientifique jaune chargé de surveiller
Mortimer, pendant la détention de celui-ci à Karachi ?
a) Le
Docteur Fo
b) Le
Docteur Fa
c) Le
Docteur Fi
3) Dans
le Mystère de la Grande Pyramide, quelle
formule magique est censée protéger Mortimer de certains dangers ?
a) Par
Osiris, va-t’en !
b) Par
Horus, demeure !
c) Par
Isis, couché !
4) Dans
le même récit, quelle véhicule met Mortimer sur la piste des bandits ?
a) Une
Renault verte
b) Une
Ford jaune
c) Une
Lincoln noire
5) Dans
La Marque jaune, de quel pouvoir le
« monstre » ne dispose-t-il pas ?
a) Il
peut voir dans l’obscurité.
b) Il
peut balancer des décharges électriques.
c) Il
peut faire fondre les métaux rien qu’en les regardant.
6) Dans
le même récit, de nombreux membres d’une même profession sont enlevés vers la
fin de l’histoire pour servir de témoins au savant fou. Ce sont tous des :
a) Biologistes
b) Médecins
c) Huissiers
de justice.
7) Dans
l’Enigme de l’Atlantide, comment
s’appelle le chef des barbares ?
a) Xolotl
b) Huascar
c) Tlalac
8) Dans
SOS météores, comment fait-on pour
détruire la base des méchants ?
a) Il
suffit d’appuyer sur un gros bouton noir qui fait tout péter
b) Il
faut programmer l’ordinateur central en mode « autodestruction »
c) Il
faut balancer une bonne dose de dynamite dans les bouches d’aération du système
de ventilation.
9) Dans
le Piège diabolique, quelle couleur
le voyant principal des instruments du chronoscaphe doit-il afficher pour
indiquer l’arrivée de l’engin dans le « présent » ?
a) Le
rouge
b) Le
noir
c) Le
blanc
10) Dans
L’Affaire du collier, comment Olrik
fait-il avouer au joaillier Duranton l’endroit où il a planqué le
collier ?
a) Il
le fait tabasser par Sharkey.
b) Il
menace de le noyer au fond d’une cuve.
c) Il
le fait pendre par les pieds au-dessus d’un gouffre.
11) Dans
Les 3 formules du Professeur Sato,
dans quel célèbre hôtel de Tokyo nos héros descendent-ils ?
a) Le
« New Otani »
b) Le
« New Otomi »
c) Le
« New Osato »
12) Dans
l’Affaire Francis Blake, le chef des
méchants a une particularité physique, laquelle ?
a) Il
est borgne.
b) Il
est unijambiste.
c) Il
a six doigts à une main.
13) Dans
la Machination Voronov, d’où vient le
virus tueur ?
a) De
l’espace interplanétaire.
b) D’Afrique
équatoriale.
c) Des
éprouvettes de Voronov.
14) Dans
L’Etrange Rendez-vous, comment les
hommes du futur se camouflent-ils ?
a) Ils
ne sortent que la nuit.
b) Ils
portent des masques qui imitent la peau humaine.
c) Ils
disposent d’une machine qui les rend temporairement invisibles.
15) Dans Les
Sarcophages du 6e continent, comment Açoka compte-t-il menacer
l’Occident ?
a) En
perturbant les flux électriques et les communications.
b) En
lâchant des missiles nucléaires depuis sa base de l’Antarctique.
c) En
inondant les salles de cinéma de films « bollywoodiens ».
16) Dans
le sanctuaire du Gondwana, où se
situe l’entrée secrète dudit sanctuaire ?
a) Dans
le sous-sol du Parc Kruger, en Afrique du Sud.
b) Dans
le cratère du Kilimandjaro.
c) Sous
les eaux d’un lac de la réserve du Ngorongoro.
17) Dans
La Malédiction des Trente deniers, quel
épisode de l’Histoire grecque contemporaine est évoqué à la fin du récit ?
a) La
crise financière de 2008.
b) Le
coup d’Etat des colonels en 1967
c) Les
jeux olympiques d’Athènes en 2004.
18) Dans
le serment des cinq lords, comment
s’appelle le musée où sont commis les premiers méfaits des criminels ?
a) Le
British Museum
b) Le
Metropolitan Museum
c) L’Ashmolean
Museum
19) Dans
l’Onde Septimus,, quel cri poussent
les malheureux rendus fous par leur contact avec l’entité venue
d’ailleurs ?
a) Asile !
b) Agha !
c) Areuh !
20) Dans
le bâton de Plutarque, on découvre le
prototype d’un avion que nos héros utiliseront dans le
Secret de l’Espadon. Comment s’appellera cet avion ?
a) Ben,
l’Espadon, tiens, oh...trop facile la question !
b) Le
Silver Flame.
c) Le
Golden Rocket.
Solutions :
1)c
2)a
3)b
4)c
5)b
6)b
7)c
8)a
9)c
10)b
11)a
12)c
13)a
14)b
15)a
16)c
17)b
18)c
19)a
20)c